Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/535

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montre que rarement à découvert, et alors même elle s’attaque plutôt au christianisme qu’à la religion en général. La pensée de dégager peu à peu la croyance populaire de tout élément superstitieux a poussé des racines si profondes que la plupart des adversaires de la superstition se rattachent involontairement à ce parti, même quand leur propre principe a une portée beaucoup plus étendue. Depuis que Voltaire a poursuivi l’Église et la foi de l’Église de sa haine implacable, tout en voulant conserver la croyance en Dieu, le fort de la tempête se dirige toujours et avant tout contre l’orthodoxie, contre la lettre de la doctrine traditionnelle de l’Église, tandis que le fondement de toute croyance, le sentiment de notre dépendance à l’égard de puissances surhumaines est rarement atteint, souvent même expressément reconnu. Les transformations et interprétations philosophiques, les subtilités de traduction et de translation, qui parviennent à faire du « principe de tout être » un père affectueux, jouent un grand rôle dans l’histoire du développement des jeunes ecclésiastiques, un rôle un peu moindre dans le maintien d’une certaine connexion entre la croyance populaire et l’opinion de la classe éclairée, enfin un rôle presque nul dans les attaques dirigées contre la religion par les matérialistes et autres apôtres de l’incrédulité. On affecte parfois étonnamment d’ignorer la manière dont la théologie scientifique sait s’accommoder d’ordinaire avec les dogmes ; on regarde comme n’existant pas les points de vue intermédiaires plus libres, l’interprétation spiritualisée des traditions ecclésiastiques ; et l’on rend sans pitié le christianisme responsable de toutes les grossièretés de la foi du charbonnier et de toutes les excentricités des opinions extrêmes ; malgré tout cela, on admet très-souvent comme élément indispensable de la vie de l’humanité un « christianisme purgé de toute superstition », une « théologie pure », ou même une « religion sans dogmes. »

Il est facile de discerner l’effet de cette controverse. La