Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/604

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des relations tolérables, sinon affectueuses, dès que les derniers vestiges du fanatisme auront disparu de nos codes. En viendrons-nous là, c’est une autre question. Il en est de la révolution religieuse comme de la révolution sociale qui est à nos portes. Il vaudrait mieux pouvoir traverser en paix la période de transition ; mais les orages sont plus probables.

Ainsi la polémique actuelle du matérialisme se dresse devant nous comme un grave symptôme du temps. Aujourd’hui de nouveau, comme dans la période qui précéda Kant et la Révolution française, un affaissement général de la curiosité philosophique, un recul des idées sont les causes des progrès du matérialisme. Dans des temps pareils, le matériel périssable, où nos ancêtres mettaient l’empreinte du sublime et du divin, autant du moins qu’ils pouvaient les comprendre, est dévoré par les flammes de la critique, de même que le corps organique qui, après l’extinction de l’étincelle vitale, tombe au pouvoir plus général des forces chimiques et se trouve détruit dans sa forme antérieure. Mais comme, dans le cercle que parcourt la nature, la décomposition des matières inférieures donne naissance à une vie nouvelle, à un être de classe supérieure, alors que les vieux éléments disparaissent, de même nous pouvons espérer qu’un nouvel élan de l’idée fera monter l’humanité d’un nouveau degré.

En attendant, les forces dissolvantes ne font que leur devoir. Elles obéissent à l’impératif catégorique, inexorable de la pensée, à la conscience de l’entendement éveillé, des que, dans la fiction du transcendant, la lettre devient prédominante parce que l’esprit l’abandonne et cherche à créer des formes nouvelles. Mais l’humanité ne pourra parvenir à la paix perpétuelle que lorsqu’on reconnaîtra la nature impérissable de toute fiction dans l’art, la religion et la philosophie lorsque, sur la base de cette reconnaissance, cessera pour toujours le conflit entre la science et la fiction. Alors aussi alterneront harmoniquement le vrai, le beau et le bien, au lieu de la morne unité, à laquelle se cramponnent au-