Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/605

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jourd’hui nos communautés libres, qui n’admettent d’autre principe que la vérité empirique. L’avenir verra-t-il s’élever de nouvelles cathédrales ou se contentera-t-il de salles riantes et bien éclairées ; les sons de l’orgue et le carillon des cloches traverseront-ils l’espace avec une intensité nouvelle ou la gymnastique et la musique, comme l’entendaient les Hellènes, deviendront-elles la base de l’éducation d’une nouvelle période de l’histoire universelle ? — En aucun cas, l’œuvre du passé ne sera complètement perdue ; en aucun cas, ce qui a fait son temps ne renaîtra sans s’être modifié. Dans un certain sens les idées de la religion aussi sont impérissables. Qui voudra réfuter une messe de Palestrina ou accuser d’erreur la madone de Raphaël ? Le Gloria in excelsis restera une puissance universelle et retentira à travers les siècles aussi longtemps que la sensibilité de l’homme pourra être excitée par le frisson du sublime. Et ces simples idées fondamentales de la rédemption de l’individu par la soumission de sa volonté à la volonté qui régit l’univers ; ces images de mort et de résurrection qui expriment les sensations les plus émouvantes et les plus sublimes qui puissent faire tressaillir la poitrine humaine, alors qu’aucune prose n’est plus capable de représenter par de froides paroles la plénitude du cœur ; ces doctrines enfin, qui nous ordonnent de rompre le pain avec l’affamé et d’annoncer au pauvre la joyeuse nouvelle — ne disparaîtront pas à jamais, pour faire place à celles d’une société qui a atteint son but quand une fois elle a obtenu par son intelligence un gouvernement meilleur et par sa sagacité la satisfaction de besoins toujours nouveaux au moyen d’inventions toujours nouvelles. Souvent déjà une période de matérialisme ne fut que le calme avant la tempête qui devait s’élancer de profondeurs inconnues et donner au monde une forme nouvelle. Nous déposons notre plume de critique dans un moment où la question sociale surexcite l’Europe, question sur le vaste terrain de laquelle tous les éléments révolutionnaires de la science, de la religion et de la politique