Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/625

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur la rétine, que la modification n’est pas proportionnelle à la quantité de lumière, mais au logarithme du quotient, d’où l’on conclut que la loi psychophysique de Fechner ne provient pas de la conscience, mais de la structure anatomique et des propriétés physiologiques de l’organe final lui-même. Voir le journal anglais Nature, n° 193 du 10 juillet 1873 et la traduction dans le Naturforscher, publiée par le Dr Sklarek, VI, n° 37, du 13 septembre 1873.

28 [page 44]. Il va de soi que l’on se gardera ici d’adopter la « théorie des lacunes » de Trendelenburg ; car non-seulement Trendelenburg veut que l’espace soit tout ensemble subjectif et objectif, mais encore il établit entre les deux un enchaînement causal et il croit que Kant n’a pas vu une semblable possibilité, tandis que ce dernier fonde précisément l’universalité et la nécessité de l’espace et du temps, et par conséquent le « réalisme empirique » sur le fait que ces formes sont seulement et exclusivement subjectives[1]. Mais, pour ne laisser surgir aucun malentendu, il faut remarquer, relativement à ces exposés très-exacts et tout à fait conformes à l’enchaînement du système, qu’il ne pouvait nullement venir à l’esprit de Kant de vouloir démontrer l’inspaciosité (Unräumlichkeit) et l’intemporalité (Unzeitlichkeit) des choses en soi, ce qui est impossible au point de vue complet de la critique. Il lui suffit d’avoir montré que le temps et l’espace (dont nous ne savons d’ailleurs quelque chose qu’en vertu de notre représentation) n’ont, au delà de l’expérience, absolument aucune signification. Lorsque Kant, au lieu de l’expression plus exacte, notre représentation de l’espace « ne signifie rien », dit parfois brièvement : « l’espace n’est rien », cela doit toujours être entendu dans le même sens : notre espace, et nous n’en connaissons pas d’autre. Quant à d’autres êtres (voir la note suivante), nous pouvons bien conjecturer qu’ils ont aussi des représentations de l’espace ; mais nous ne pouvons pas même entrevoir la possibilité de l’extensivité (Räumlichkeit) comme propriété des choses en soi. La négation va jusque-là, mais pas plus loin. Quiconque, sur la voie d’une conjecture totalement en dehors du système, voudra admettre qu’aux choses en soi appartient d’étendue aux trois dimensions, ne s’exposera, de la part de Kant, qu’au reproche d’être un rêveur. Dans ce sens, il ne peut être question d’une impossibilité démontrée de l’espace objectif ; on peut seulement affirmer que tout transfert des propriétés de l’espace qui nous est connu à cet espace imaginaire

  1. Voir à ce propos la dissertation approfondie du Dr Emile Arnoldt, Kant’s transscendentale Idealitaet des Raumes und der Zeit. Königsberg 1870 (imprimée séparément d’après l’Allpreussische Monatsschrift, Band VII) ainsi que le Dr Cohen, Kant’s Theorie der Erfahrung, V, p. 63-79.