Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/640

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succès ? C’est là une autre question, car justement le manque de précision scientifique et la persistance à ne voir que la surface des phénomènes ont déterminé le succès de Büchner. Quand Büchner attribue à sa « théorie » une importance scientifique, il se fait certainement illusion, car il n’a innové ni dans l’ensemble ni dans les détails ; bien au contraire, il reste souvent fort en arrière des exigences de sa tâche qui était d’esquisser à grands traits l’image complète de la conception mécanique de l’univers. Ainsi, par exemple, Büchner représente la théorie de la conservation de la force, dans sa critique de lui-même, comme un complément ultérieur et confirmatif de son point de vue, en la faisant dater, avec une grande naïveté, de la cinquième édition de son livre, tandis que tout naturaliste et tout philosophe d’une instruction encyclopédique devaient connaître cette importante théorie dès l’année 1855, époque de l’apparition de la première édition de Force et Matière. En 1842, Mayer avait déjà énoncé cette loi ; en 1847 parut la dissertation de Helmholtz sur la Conservation de la force[1] et, en 1854, la dissertation populaire du même savant sur l’action réciproque des forces de la nature[2] était déjà arrivée à sa deuxième édition.

3 [page 155]. Remarquons ici, par forme de supplément, que « l’énonciation de Vogt », de laquelle il a été tant parlé, se trouve déjà, quant aux points principaux, dans les œuvres de Cabanis. Le cerveau effectue la sécrétion de la pensée ». Rapports du physique et du moral de l’homme, Paris, 1844, p. 138. L’éditeur, L. Peisse, remarque à ce propos que « cette phrase est restée célèbre ».

4 [page 165]. Mill, dans sa Logique, a fait ressortir nettement la différence qui existe entre les « sciences de l’esprit » et les « sciences de la nature ». Il réclame, à vrai dire, pour ces dernières la même méthode de recherche, quant au fond ; par contre il exagère considérablement (au point de vue de la psychologie des Anglais) les avantages de l’observation subjective, la seule presque dont il tienne compte ici, tandis qu’il déprécie beaucoup trop l’impulsion donnée à ces sciences par ceux qui s’orientent d’après le phénomène correspondant au fait psychologique (méthode physiologique). Helmholtz établit plus exactement cette différence dans sa conférence sur les rapports des sciences de la nature avec l’ensemble des sciences[3]. Il y fait ressortir la différence qui résulte de la diversité des matériaux, des méthodes et des moyens de preuve. On peut permettre à Helmholtz d’exiger en même

  1. Ueber die Erhaltung der Kraft ; [a été trad. en fr. v. p. 645.]
  2. Ueber die Wechselwirkung der Naturkräfte.
  3. Ueber das Verhältnis der Naturwissenschäften zur Gesammtheit der Wissenschaft (Populäre Vorträge, I, p. 16 et suiv.).