Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/647

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regarder l’expérience elle-même, et non sa signification logico-mathématique, comme le point essentiel de la recherche. De là résulte donc facilement une rechute dans les théories et les hypothèses les plus capricieuses ; car l’idée matérialiste d’un commerce jamais troublé entre les objets et nos sens est en désaccord avec la nature humaine, qui sait introduire partout, même dans l’activité, en apparence la plus immédiate des sens, les effets du préjugé. Or l’élimination de ces derniers est précisément le grand mystère de toute méthode des sciences exactes, peu importe qu’il s’agisse de cas, dans lesquels on travaille avec des valeurs moyennes ou de cas, dans lesquels même une seule expérience est déjà significative. En effet, la valeur moyenne sert, avant tout, à éliminer les variations objectives mais pour éviter aussi les erreurs subjectives, la première condition est que, pour la valeur moyenne, on détermine l’erreur probable qui délimite avec exactitude le champ des explications illégitimes. C’est seulement lorsque l’erreur probable est assez petite pour que l’on puisse généralement regarder un résultat comme admissible que la série des observations se trouve placée dans son ensemble sur le même terrain logique qu’une expérience unique faite sur des terrains ou la nature de la chose n’exige pas l’élimination des fluctuations objectives à l’aide d’une moyenne certaine. Si, par exemple, le but d’une expérience est d’examiner la manière dont un nouveau métal se comporte à l’égard de l’aimant, l’expérience isolée suffira déjà pour donner une démonstration pourvu que l’on use de toutes les précautions habituelles et que l’on emploie de bons appareils, le phénomène dont il s’agit, pouvant aisément être répété, sans que les petites inégalités dans l’intensité de l’effet, qui se produiront toujours, exercent une influence sur la thèse que l’on veut prouver. »

« C’est d’après ce qui précède qu’il faut juger aussi la polémique plus modérée que dirigea Voit[1] contre Radicke. Souvent, en effet, dans ses propres recherches, il trouve des inégalités entre les valeurs d’observations particulières, qu’il ne faut pas considérer comme des variations accidentelles, mais plutôt comme des inégalités déterminées par la nature de l’organisme et se manifestant avec régularité ainsi, par exemple, le chien soumis à l’expérimentation et recevant la même nourriture en viande sécrète d’abord une plus faible, puis une plus forte quantité d’urée ; le contraire a lieu quand cet animal est condamné à jeûner. Mais quand on conjecture que ces inégalités existent dans la nature de la chose, il est tellement évident que l’on n’opère pas sur des

  1. Untersuchungen ueber den Einfluss des Kochsalzes, des Kaffees und der Muskelbewegungen. München, 1860.