et presque imperceptible que les produits de notre imagination
pourraient avoir quelque réalité n’établit qu’un faible
lien entre la religion et la science ; et c’est là, au fond, un
défaut de tout le point de vue de Mill ; car cette probabilité
a en face d’elle une probabilité bien plus forte du contraire ;
et, dans le domaine de la réalité, la moralité de la pensée
exige de nous que nous ne nous en tenions pas à de vagues
possibilités, mais que nous donnions toujours la préférence
à ce qui est le plus vraisemblable. Une fois admis le principe
que nous devons nous créer en esprit un monde plus
beau et plus parfait que le monde de la réalité, il faudra
bien accepter le mythe religieux — en tant que mythe.
Il importe davantage de nous élever à la notion que c’est
la même nécessité, la même racine transcendante de notre
essence humaine, qui nous donne par les sens l’image du
monde réel, et qui nous rend capables aussi d’enfanter, dans
l’exercice le plus élevé d’une synthèse poétique et créatrice,
un monde idéal, où nous pouvons nous élever et nous
affranchir des limites des sens, et où nous retrouvons la
patrie véritable de notre esprit.
- Marbourg, fin janvier 1875.