Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/77

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impérieusement d’agir de telle ou telle façon. Mais cette loi doit être accompagnée de l’idée qu’elle peut être réalisée. « Tu le peux, car tu le dois », nous dit la voix intérieure ; et non pas « tu le dois parce que tu le peux ». En effet le sentiment du devoir est complètement indépendant de notre pouvoir d’agir. Nous n’examinerons pas, pour le moment, la question de savoir si Kant avait raison de faire de l’idée du devoir la base de toute sa philosophie pratique. Nous nous bornons à énoncer le fait. La prodigieuse influence, que Kant, bien ou mal compris, a exercée sur l’élucidation de ces questions nous épargnera à nous-même et à nos lecteurs d’interminables dissertations sur les disputes modernes, si nous réussissons à développer clairement et complètement les idées de Kant dans leur marche progressive sans nous perdre dans le labyrinthe de ses définitions sans fin, qui rappellent les complications exagérées de l’architecture gothique.

Indépendamment de toute expérience, Kant croit trouver dans la conscience de l’homme la loi morale, voix intérieure qui commande impérieusement, mais n’obtient pas toujours une obéissance absolue. Or c’est précisément parce que l’homme se figure possible l’accomplissement absolu de la loi morale qu’une influence déterminée est exercée sur son perfectionnement réel et non pas seulement imaginaire. Nous ne pouvons considérer la représentation de la loi morale que comme un élément du processus empirique de nos pensées, élément qui est forcé de lutter contre tous les autres éléments, les instincts, les penchants, les habitudes, les influences du moment, etc. Et cette lutte, avec tous ses résultats, — les actes moraux ou immoraux, — est soumise, pendant toute sa durée, aux lois générales de la nature, auxquelles l’homme ne fait aucune exception. L’idée de l’absolu n’a donc, en vertu de l’expérience, qu’une puissance conditionnelle, mais cette puissance conditionnelle est d’autant plus forte que l’homme peut entendre avec plus de pureté,