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SOUVENIRS POLITIQUES

conquérant. Il prétendait que j’aurais dû rougir de ma victoire. Je lui cède la parole :

« Nous avons au milieu de nous le vainqueur et le vaincu. Au front du vaincu brille comme toujours l’auréole du talent et du génie, — au front du vainqueur ombragé du drapeau rouge, au front de cet homme sans nom, sans souvenir et sans liasse, la joie seule brille, c’est la joie d’un triomphe. Hélas ! pourtant quand on ne s’appelle que Charles Langelier, et que, à la honte du nom canadien, l’on a vaincu l’hon. A. R. Angers, si l’on avait du cœur et de la pudeur, l’on ne paraderait pas dans les rues comme un triomphateur. »

Et voilà : c’était un crime pour moi d’avoir été victorieux. J’avoue que malgré ce dithyrambe, je ne me suis jamais repenti de cette faute. J’ai manqué de pudeur jusqu’à ce point !

J’ai connu dans cette circonstance les doux enivrements du succès, les premières jouissances que procure la politique ! Avoir conquis un comté conservateur depuis cinquante ans, avoir défait le chef du parti conservateur, il n’en fallait pas davantage pour exalter l’imagination d’un jeune homme de vingt-six ans ! Ma victoire avait été une surprise pour tout le monde : mes amis ne pouvaient pas croire qu’il fut possible de s’emparer de cette vieille forteresse conservatrice bâtie par M. Jos. Cau-