Page:Langlois - Harivansa ou histoire de la famille de Hari, tome 1.djvu/135

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Vêsampâyana reprit :

Ourvasî, par suite d’une imprécation de Brahmâ, avait été réduite à la condition humaine. Cette beauté s’unit au fils d’Ilâ, mais à une condition, qui devait contribuer à la relever de cet état d’interdit. « J’exige, lui dit-elle, que, tout le temps de notre union, mes yeux ne vous voient jamais nu, que deux béliers soient constamment attachés près de notre lit, et que le lait, prince, soit mon unique nourriture. Tant que les clauses de ce traité seront observées, je resterai auprès de vous : telles sont mes conditions. » Le roi se montra fidèle à son engagement, et Ourvasî ne songea point à le quitter. Leur union dura cinquante-neuf ans, et la déesse se trouvait heureuse de la malédiction qui l’attachait, dans de pareils liens. Cependant les Gandharvas commençaient à regretter l’absence de cette nymphe. « Il faudrait, se disaient-ils, aviser au moyen de faire revenir près de nous la belle Ourvasî, l’ornement du ciel. » Alors le prudent Viswâvasou leur parla en ces termes : « J’ai entendu autrefois les conditions du traité qu’ils ont fait ensemble. Si le roi y manque jamais, elle doit l’abandonner. Je connais un moyen de lui faire violer sa promesse et sans employer la violence, je vais travailler à remplir vos intentions. » Ainsi parla l’illustre Gandharva, et sur-le-champ il partit pour Pratichthâna : se glissant pendant la nuit auprès des deux époux, il enleva un des béliers. La belle Ourvasî avait pour ces animaux une affection presque maternelle : elle avait connu l’arrivée du Gandharva, et comprenait que son exil touchait à sa fin[1]. Elle dit alors au roi : « On vient de m’enlever mon enfant. » À ces mots, le prince se rappelle qu’il est nu et ne veut point se lever. « La déesse, pensait-il, « me verrait dans cet état, et notre traité serait rompu. » Les Gandharvas aussitôt enlèvent encore l’autre bélier ; et la déesse de dire au fils d’Ilâ : « Ô roi, mon enfant m’est enlevé, comme si je n’avais personne pour me protéger. » Aussitôt le prince se lève avec empressement, nu comme il était. Il cherche où sont les béliers. En ce moment, un brillant éclair, pro-

  1. Ourvasi a presque l’air de conspirer avec les Gandharvas : ce qui ôte l’intérêt qu’on peut porter à son amour. Dans le drame, au contraire, elle aime véritablement : forcée de retourner à la cour d’Indra, elle a des distractions, qui lui attirent la malédiction du Mouni Bharata, regardé par les Indiens comme l’inventeur du drame.