Page:Langlois - Harivansa ou histoire de la famille de Hari, tome 1.djvu/193

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conserver le Syamantaca, fit composer une espèce de charme[1] religieux, et pendant soixante ans, il ne cessa de présenter aux dieux des pierreries et mille autres offrandes magnifiques : ce sont là les sacrifices si fameux du grand Acroûra, dans lesquels était déployée la plus grande somptuosité en dons et en présents de tout genre.

Le prince Douryodhana vint à Mithilâ pendant le séjour qu’y fit Balarâma, et apprit de lui l’art difficile de manier la massue. À la fin, les Vrichnis et les Andhacas, avec le grand Crichna, parvinrent à apaiser le héros et à le faire revenir à Dwâravatî.

Acroûra s’était éloigné aussi avec les Andhacas, soupçonné d’avoir participé, avec son parent, à la mort de Satrâdjit. Crichna, à qui il inspirait quelque méfiance, le surveillait avec soin. Aussitôt après son départ, Indra cessa d’envoyer des pluies sur la terre, et la sécheresse dépeupla le pays. Alors les Coucouras et les Andhacas s’entremirent pour le ramener : il rentra dans Dwâravatî ; et à l’arrivée du prince magnifique qui employait si pieusement ses richesses, le roi du ciel, aux mille yeux, ouvrit le trésor des eaux, et envoya la pluie aux plantes de la terre. Pour sceller sa réconciliation avec Crichna, le prudent Acroûra lui donna en mariage sa sœur, qui était douée de toutes les vertus[2].

Par la vision de l’Yoga[3], Crichna découvrit que le Syamantaca était en la possession d’Acroûra ; il lui dit en pleine assemblée : « Prince digne de tout mon respect, je vous donne cette pierre précieuse qui est maintenant entre vos mains. J’ose attendre de votre part tous les égards que j’ai pour vous. Il y a soixante ans que ma colère éclata plus d’une fois avec trop de violence : le temps, qui détruit tout, a éteint cette inimitié. » Ainsi parla Crichna dans l’assemblée de tous les Sâtwatas[4] ; alors le sage Acroûra lui

  1. Ce charme, ce talisman porte le nom de कवच​ cavatcha, qui signifie proprement armure. C’est ordinairement une prière écrite sur l’écorce de l’arbre qu’on appelle bhoûrdja.
  2. Il y a ici quelque erreur, ou le poëte s’est trompé dans la lecture précédente en donnant Soundarî au prince Aswa. Il est vrai de dire que les manuscrits, pour cette lecture, n’étaient pas d’accord. Le bengali, avec une syllabe de trop dans le vers, faisait Soundarî épouse de Sâmba : c’est le même manuscrit qui lui donne Vesoundharâ pour fille.
  3. Nous avons déjà vu que la dévotion procurait une espèce de seconde vue à celui qui se trouvait, par sa méditation profonde, uni au grand Être : le mot yoga signifie union.
  4. Nom de famille, qui s’étend à toute la race des Yâdavas. Voyez lect. xxxvi et xxxvii.