Page:Langlois - Harivansa ou histoire de la famille de Hari, tome 1.djvu/195

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Ô saint Brahmane, je désire aussi connaître en détail toutes les œuvres de Hari, revêtu de la forme du sage Crichna et terrassant tous ses ennemis. Reprenant, dès l’origine, l’histoire de ses actions, fais-moi connaître quelles furent ses diverses manifestations, quelle est sa nature, et comment le dieu Vichnou, maître des Souras et vainqueur de ses adversaires, jugea convenable de devenir le fils de Vasoudéva. Quittant le monde des Dévas, habité par les immortels et les âmes vertueuses, il descendit dans ce monde mortel. Comment celui qui est le maître des dieux et des hommes, qui est la majesté souveraine remplissant le ciel et la terre, a-t-il uni sa nature divine à la nature humaine ? Celui qui, seul, fait tourner ce disque[1], espoir et salut de la terre, comment est-il venu parmi les hommes manier le disque des combats ? Celui qui est le pasteur universel du monde, ce divin Vichnou, comment est-il descendu sur la terre pour s’y faire pasteur ? Celui qui, âme de tous les êtres, porte en son sein et enfante les éléments, comment est-il né au sein d’une femme mortelle ?

C’est lui qui, cédant aux désirs des dieux, et devenu en trois pas maître des trois mondes[2], établit les trois voies de l’univers, les trois qualités supérieures qui font l’essence de la nature[3] ; lui qui, à la fin des âges, dévorant la terre sous la forme de l’eau, produit un monde qui n’est plus qu’une vaste mer où il circule par des routes visibles et invisibles ; qui, anciennement, âme des temps antiques[4], sous l’apparence d’un sanglier terrible pour ses ennemis, a soulevé la terre sur le bout d’une de ses défenses ; qui, le premier parmi les Souras, n’a jadis vaincu les Asouras que pour donner aux dieux les trois mondes, source inépuisable de biens pour toutes les créatures ; qui, devenu moitié homme et moitié lion[5], a mis autrefois à

  1. C’est le mot चक्र​ tchacra, qui signifie roue et disque et peut désigner ici le soleil, auquel on compare le disque de guerre qui est ordinairement l’arme de Crichna. Dans l’Oupnék’hat, t. iii, pag. 97, il y a une comparaison détaillée du monde avec la roue d’un char.
  2. Ce passage fait allusion à l’histoire de Bali, à qui Vichnou, sous la forme d’un Brahmane nain, vint demander qu’on lui donnât autant de terre qu’il en pouvait mesurer en trois pas. Bali le lui accorda, et le nain, grandissant tout à coup, remplit les trois mondes. Voilà pour quelle raison Vichnou fut surnommé Trivicrama.
  3. Ce sont le satwa, le radjas et le tamas. Voy. la xviie lect. du Bhagavad-gîtâ. Quant aux trois voies, voyez les lois de Manou, xiie lect.
  4. On pourrait traduire aussi : dans les Pourânas, âme des Pourânas, पुराणे पुराणात्मा.
  5. C’est l’avatare appelé Nârasinha.