Page:Langlois - Harivansa ou histoire de la famille de Hari, tome 1.djvu/203

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sacrifice, la portion réservée aux assistants, et les dévots qui la mangent. Voilà le portrait que donnent de Vichnou les Brahmanes savants dans les Vèdes ; ils disent que le feu et le soma forment ses deux bras, que le beurre du sacrifice compose ses rayons, et que c’est un souverain éternel à l’arme toujours haute et menaçante. Il est le roi des Souras ; sur sa poitrine est gravé le Srivatsa[1]. Dans sa suprême sagesse, il s’est déjà mille fois manifesté, et sans doute il daignera encore se manifester au monde : c’est ce que nous a révélé le saint patriarche[2].

Ô grand roi, tu m’as demandé le récit d’une histoire mémorable et divine : tu as désiré savoir pour quelle raison le grand Vichnou, le maître des Dévas, le vainqueur de si puissants ennemis, quittant le séjour des dieux, est né dans la famille de Vasoudéva. Je vais donc te raconter en détail les hauts faits de l’illustre Crichna.

Pour l’avantage des dieux et des mortels et le bien des mondes, celui qui est l’âme de tous les êtres a plusieurs fois revêtu une forme extérieure. Je te dirai quelles furent ces saintes apparitions, et leurs caractères divins, ainsi que les célèbrent les poétiques récits de nos saints livres. D’un cœur pur, d’une âme recueillie, écoute, ô Djanamédjaya, ces histoires antiques et révérées, dont les Vèdes aussi font mention. Voici ce que l’on raconte de Vichnou.

Fils de Bharata, quand l’amour pour les saints devoirs commence à s’affaiblir, pour rallumer le zèle qui s’éteint, le maître du monde naît sur la terre. Sa forme divine, et qui reste toujours dans le ciel, se livre à de rigoureuses austérités. Son autre forme, étendue sur sa couche, tombe dans le sommeil. L’âme supérieure (Adhyâtma) s’occupe en elle-même de la destruction et de la reproduction des créatures. Au bout d’un sommeil de mille ans, apparaît, pour accomplir son œuvre, le dieu des dieux, le père du monde. L’aïeul de la création[3], Brahmâ, Capila[4], le souverain dieu[5], les gar-

  1. Le Srîvatsa est un signe particulier en forme de rosace que forment les poils bouclés sur la poitrine de Vichnou.
  2. Le texte emploie d'une manière vague le mot pradjâpati, sans désigner quel est le personnage dont il est ici question.
  3. पितामह​ Pitâmaha. C'est ordinairement un nom que l'on donne à Brahmâ, ainsi que le mot Paramechthin, qui vient un peu plus loin.
  4. Capila n'est pas ici le nom du philosophe, fondateur du système sânkhya. C'est un avatare de Siva ou de Vichnou, par lequel on désigne un des principes actifs du monde.
  5. परमेष्ठिन् Paramechthin (in primo stans).