Page:Langlois - Manuel de bibliographie historique, 1901-1904.djvu/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
7
BIBLIOGRAPHIES UNIVERSELLES.

ardente à mesure que s’accroît, dans tous les pays, le nombre des hommes appelés à l’activité scientifique et que les problèmes s’épuisent (car il y en a qui s’épuisent, notamment dans le domaine des sciences historiques). Pour se tenir parfaitement au courant de la littérature relative à tel problème historique — à la critique de la Bible, par exemple, — il faudrait prendre connaissance des deux ou trois volumes, dissertations ou articles, qui paraissent, chaque jour, en moyenne, sur cette matière, depuis si longtemps triturée. Dans ces conditions, comment ne pas craindre que la science soit étouffée, à la fin, comme un feu mal disposé, par l’accumulation des éléments destinés à l’entretenir ? On disait déjà, il y a trente ans : « Dans un demi-siècle, il sera matériellement impossible à un érudit de connaître toute la littérature sur un point donné de l’histoire du moyen âge[1] ». Dès 1848, E. Renan eut la notion claire du danger : « La production périodique devient tellement exubérante que l’oubli s’y exerce sur d’immenses proportions… Les mêmes recherches se recommencent sans cesse. Les monographies s’accumulent à un tel point que leur nombre même les annule et les rend presque inutiles… Dans cent ans, les bibliothèques seront impraticables. Il y a là une progression qui ne peut continuer indéfiniment sans amener une révolution dans la science[2]… » Il serait facile de citer une foule de lamentations du même genre, émises par les savants et les érudits les plus célèbres.

6. — Le point de départ des promoteurs du Catalogue universel étant exact, il demeure très douteux que leurs projets aient de la valeur pour résoudre le « problème bibliographique », en vérité si grave et si pressant. Quérard, Edwards, Milkau, plusieurs autres bibliographes ont eu raison, en effet, de remarquer que jamais ces penseurs n’ont démontré leur postulat de l’utilité sans pareille d’un Catalogue universel. Ils se sont acharnés à établir, prévoyant des objections faciles et qui, d’ailleurs, ont du poids : 1° que le Catalogue universel peut être fabriqué, et comment ; 2° qu’il est possible

  1. « À une époque où l’on se trouve écrasé par l’énorme quantité de livres nouveaux qui paraissent chaque année, et où les travailleurs sont de plus en plus réduits à ne rien lire en dehors de leurs études spéciales… » (Revue critique d’histoire et de littérature. 1875, II, p. 406.)
  2. E. Renan, L’Avenir de la Science, p. 227, 248.