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PRÉFACE.

le charme de leur poésie orientale. Les Arabes ont été pour nous ce que les Phéniciens ont été pour les Grecs, ce que les Alexandrins ont été pour les chrétiens. Seulement, tandis que les Phéniciens transmettaient la civilisation orientale par le commerce, et les Alexandrins la civilisation greco-orientale par l’asile accordé à la science, les Arabes nous ont transmis la civilisation greco-alexandrine par la conquête. Leur œuvre providentielle commence à l’invasion de l’Espagne, se continue avec les croisades, et ne finit vraiment qu’à la prise de Constantinople, époque où les savants grecs, bannis de leur patrie adoptive, allaient apporter eux-mêmes en Italie les matériaux nécessaires pour compléter la renaissance en Occident.

Si nous ne nous trompons pas sur l’action et sur l’importance des foyers civilisateurs que nous venons d’indiquer, nous croyons être aussi dans le vrai en disant qu’il y a des périodes régulières dans chaque foyer. En effet, dans l’Asie orientale, chez la race Aryenne, chez les races chamitiques ou sémitiques, chez les Grecs, chez les Latins, au point de départ de la pensée, on trouve une seule force agissante, le sentiment religieux, une seule expression de l’intelligence, la poésie lyrique. Ces poésies spontanées, transmises oralement de génération en génération pendant plusieurs siècles, conservées par le sacerdoce indou et persan, comme le Rig-Véda et les Gathas ; consacrées par la foi, comme les bénédictions d’Isaac et de Jacob, chez les Hébreux ; inspirées par le gouvernement religieux et politique chez les Égyptiens, comme leurs chants de triomphe, et les hymnes des Rituels ; essentiellement monarchiques, comme les plus anciennes odes du Chi-kîng chinois ; quelquefois détruites par le temps, comme les hymnes orphiques des Grecs, dont nous ne possédons rien d’authentique, et comme les chants arvals et saliens des Latins, dont il ne nous reste que des fragments ; ces poésies naïves, ces invocations, ces hymnes, actions de grâces ou prières, ces chants populaires, ces manifestations d’un monde encore jeune, d’une pensée encore vierge, auxquels le printemps donne toute sa sève, et la foi toute sa force, constituent, selon nous, la période primitive de l’intelligence.

Ensuite, le culte s’établit, et fixe les tribus sur le sol, où elles s’assemblent et commencent à se développer ; la lutte du pouvoir surgit entre le prêtre et le guerrier ; peu importe qui aura la victoire, le pacte social en est la conséquence naturelle. Le prêtre demande des armes à la foi, en organisant sa cosmologie et sa théogonie ; s’il est vainqueur, le pacte social sera théocratique. Le guerrier demande des armes aux intérêts civils, en organisant l’État par des compromis avec les chefs qui se joignent à lui ; s’il est vainqueur, le pacte social sera politique. Il arrive parfois qu’un sacerdoce intelligent, plutôt que de combattre le pouvoir politique, vient en aide à son organisation par une alliance qui assure sa suprématie morale ; si cette alliance a lieu, le pacte social sera mixte. Le