Page:Langlois - Rig Véda.djvu/29

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INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE

Il y a cent ans, personne ne se doutait que les Aryas de la Bactriane fussent nos ancêtres. L’extrême Orient nous était presque inconnu ; l’Inde, particulièrement, n’était pour nous que l’empire du mystère, du fantastique, de l’impossible. Nous n’en savions quelque chose que par les Grecs, les Arabes, les Persans, conquérants ou voisins, intéressés à ne représenter leurs rivaux que sous les couleurs qui leur convenaient. Voltaire avait pris la compilation propagandiste d’un missionnaire catholique pour un extrait réel des livres sacrés des brahmanes. On n’entrevoyait l’Inde qu’à travers les songes des docteurs musulmans ; on ne connaissait ni ses origines, qui sont les nôtres, ni ses théogonies, parmi lesquelles tous les peuples antiques ont cherché des idées et puisé les croyances. Le sanscrit, clef de tant de mystères, est une découverte moderne. Ce n’est pas qu’on n’ait eu primitivement le soupçon d’une langue et d’une littérature religieuse et philosophique, dont les prêtres seuls se réservaient la connaissance ; mais sans grammaire et sans lexique de cette langue, on ne pouvait que conjecturer ses richesses. Tout était ténèbres, alors, dans ce monde voilé sinon éteint, dans ce passé dérobé aux yeux profanes par l’inquiétude jalouse des brahmanes.

Le soupçon qu’on en avait tenait plutôt du rêve que de la réalité, et, comme tout mystère, il avait sa légende. On prétendait que saint François Xavier, possédant miraculeusement le don des langues, avait appris d’un ange le sanscrit pour réfuter les erreurs des doctrines brahmaniques, mais sans pouvoir en transmettre la connaissance. On disait qu’un jésuite, du nom de Roberto de Nobili, s’était fait brahmane pour connaître les arcanes religieux de l’Inde ; mais que, découvert et dévoilé, il avait subi des persécutions ingénieusement féroces, et qu’on lui avait arraché les yeux pour qu’il ne pût avancer davantage dans une étude essentiellement secrète. D’autres missionnaires, sans approfondir cette langue mystérieuse, en constatèrent l’importance ; le père Pons, par exemple, fit au père Duhalde un rapport assez exact des richesses sanscrites et des traditions védiques. Tout cela, du reste, n’était que des conjectures et des essais ; et Anquetil-Duperron, en traduisant du persan