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le manuscrit autographe ? Le cas s’est présenté pour les Mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand, par exemple ; il se présente tous les jours pour ces correspondances intimes de personnages connus que l’on se hâte d’imprimer pour satisfaire la curiosité publique et dont les pièces originales sont si fragiles. Le texte en est d’abord copié ; il est ensuite typographiquement « composé » d’après la copie, ce qui équivaut à une seconde copie ; enfin cette seconde copie (en épreuves) est, ou doit être, collationnée par quelqu’un (à défaut de l’auteur disparu) avec la première copie, ou, mieux encore, avec les originaux. Les garanties d’exactitude sont moindres dans ce cas que dans le cas précédent ; car entre l’original et la reproduction définitive il y a un intermédiaire de plus (la copie manuscrite), et il peut arriver que l’original soit difficile à déchiffrer pour tout autre que l’auteur. Le texte des Mémoires et des Correspondances posthumes est souvent défiguré, en fait, dans des éditions qui paraissent, au premier abord, soignées, par des erreurs de transcription et de ponctuation[1].

Maintenant, dans quel état les documents anciens ont-ils été conservés ? Presque toujours, les originaux sont perdus ; nous n’avons que des copies. Des copies faites directement d’après les originaux ? Non pas, mais des copies de copies. Les scribes qui les ont exécutées n’étaient pas tous, tant s’en faut, des hommes

  1. Un membre de la Société des humanistes français (fondée à Paris en 1894) s’est amusé à relever, dans le Bulletin de cette Société, les erreurs justiciables de la critique verbale qui se trouvent dans les éditions de quelques ouvrages posthumes (notamment dans celle des Mémoires d’outre-tombe) ; il a montré qu’il est possible de dissiper des obscurités dans les documents les plus modernes par la même méthode qui sert à restituer les textes anciens.