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le théâtre romantique.

des vices de son temps, il est superficiel, étriqué, vulgaire, parfois puéril. Rien de plus anodin que sa Petite Ville (1801), délayage d’un mot de La Bruyère : et quant aux trop fameux Ricochets (1807), le ressort « psychologique » joue avec la précision d’un jouet mécanique : il n’y a pas là ombre de vie ni de vraisemblance.

De la tentative de La Chaussée et de Diderot, il n’était guère resté, conformément au sentiment de Voltaire, que la comédie mixte, où des scènes attendries et pathétiques alternent avec les scènes plaisantes. Les gens qui écrivent en vers pour la Comédie Française retiennent cette forme ; l’œuvre la plus célèbre en ce genre est l’École des vieillards de C. Delavigne (1823), pièce morale en vers maussades.

Le xviiie siècle avait connu une sorte de comédie historique : on sait le succès qu’obtint Collé avec son ennuyeuse Partie de chasse de Henri IV. Lemercier dans Pinto (1800) avait indiqué une façon assez originale de traiter en comédie les grands événements historiques, en montrant l’envers, les dessous, et comme les coulisses de la politique. Les comédies historiques se multiplièrent dans la première moitié du siècle, favorisées par le mouvement romantique et par la publication de tant de Mémoires et de Chroniques qui renouvelaient l’histoire. Le vaudeville même fit une consommation inouïe de personnages historiques, et les pièces anecdotiques ou plaisantes atteignirent, parfois dépassèrent l’extravagante fantaisie du drame romantique ; qui veut s’en assurer lira les comédies de Mme Ancelot. À ce genre se rattachent, dans l’œuvre de Dumas et de Scribe, des pièces telles que Mademoiselle de Belle-Ile et le Verre d’Eau. La comédie de C. Delavigne Don Juan d’Autriche (1835) est un compromis entre ce genre et le drame romantique : c’est un mélange de scènes pathétiques, invraisemblables ou fausses, et de gaietés vaudevillesques où l’esprit est laborieux et lourd, mais les effets faciles et sûrs.

La comédie ne devait guère tenter les romantiques : ils avaient l’âme trop sombre, et prenaient trop au sérieux leur mission ou leurs souffrances. Dumas y vint, après que sa fièvre de 1830 fut calmée, lorsqu’il fut rendu à son naturel de bon enfant qui aimait à conter des histoires, et à son tempérament d’homme de théâtre, apte à faire jouer tous les trucs qui tirent le rire et les larmes. Musset nous a donné la seule comédie qu’on puisse nommer romantique, celle de Dumas n’étant autre chose que le vaudeville agrandi ou le drame dégradé, comme on voudra, selon les formules et par les procédés de Scribe.

Voilà le grand nom du théâtre comique dans la première moitié du siècle[1]. Scribe inonde toutes les scènes de son infatigable pro-

  1. E. Scribe (1791-1861), fils d’un marchand de la rue Saint-Denis, eut sa grande