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poésie lyrique.

avions, pour plus de sûreté, résolues en idées et eu actes d’accord avec l’Église. Le monde extérieur n’était pour nous qu’un objet intelligible : et quand notre intelligence trop faible encore ne s’y appliquait pas pour en tirer des concepts, notre volonté en faisait le champ de son action : nous ne voyions dans la nature que nous-mêmes, l’objet qu’elle présentait et l’obstacle qu’elle opposait à nos ambitions. Tant qu’il en a été ainsi, une grande poésie lyrique ne pouvait sortir chez nous des éléments ni des circonstances qui ailleurs la produisaient.


1. ANCIEN LYRISME FRANÇAIS.


Il était naturel que la femme, à qui, surtout en ce temps-là, l’action était interdite, vécût un peu plus de rêves et d’émotions et les épanchât en poésie. À la femme en effet se rapportent les origines de notre littérature lyrique : pour elle, et peut-être par elle, aux temps de la création vraiment spontanée et populaire, furent composées les chansons à danser et les chansons de toile [1].

Les chansons dont, aux xe ou xie siècle, les femmes et les jeunes filles de nos villages accompagnaient leurs « caroles », l’une d’elles chantant le thème fondamental en solo et les autres reprenant en chœur les refrains à intervalles plus ou moins rapprochés, ne nous sont point parvenues. Mais par quelques refrains d’un caractère ancien et populaire, qui leur ont sans doute appartenu, par les traces qu’elles ont laissées dans les refrains, les motets, les ballettes du xiiie et du xive siècle, par les poésies déjà littéraires qu’elles ont suscitées en Sicile, en Allemagne, en Portugal, l’érudition contemporaine a pu nous en donner une idée.

      Aalis tôt se leva
Bonjour ait qui mon cœur a
      Beau se vêtit et para,
      Dessous l’aulnoie.
Bonjour ait qui mon cœur a,
      N’est avec moi.

Toutes ces chansons ne parlent que d’amour ; c’est la jeune fille, joyeuse de sa jeunesse et d’être jolie, qui se vante d’avoir un ami, ou se plaint de ne pas en avoir ; qui veut épouser celui que

  1. Textes : K. Bartsch, Romanzen und Pastourellen (1870, in-8) – À consulter : A. Jeanroy, les Origines de la poésie lyrique en France au moyen âge, Paris, Hachette, 1889, in-8. G. Paris, les Origines de la poésie lyrique en France au moyen âge. Paris, Hachette, 1889, in-8. G. Paris, les Origines de la poésie lyrique en France, Journal des Savants, nov., déc. 1891, mars et juillet 1892.