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xv
avant-propos

le moyen d’éviter ces chapitres-tiroirs où l’on déverse tout le résidu d’un siècle, ces défilés de noms, d’œuvres et de talents incompatibles auxquels on est ordinairement condamné, lorsqu’on a étudié les genres fixes et définis. Les prosateurs qui ne sont point de purs artistes ou qui n’ont point écrit pour faire œuvre d’art, sont souvent embarrassants à placer : on fait passer les poètes, et on pousse ensuite, comme on peut, le tas de traînards des prosateurs. Mais comment se représentera-t-on le xvie siècle, si Rabelais y vient en compagnie de Montaigne, après Ronsard et Desportes ? ou si Montaigne défile avant Marot, avant Rabelais ? Verra-t-on bien le dessin du xviie siècle, si on y loge ensemble Pascal, La Rochefoucauld et La Bruyère, ou le mouvement du xviiie, si Montesquieu se présente à côté de Buffon, à la suite de Jean-Jacques. Partout où il n’y a pas à suivre le développement d’un genre, d’une précise forme d’art et même alors le plus souvent, il faut s’attacher à la chronologie. C’est le fil directeur qu’il faut rompre le moins possible.

Au reste, j’ai essayé de simplifier l’exposition des progrès de la Littérature française. Je me suis arrêté longuement aux grands noms ; j’ai plutôt diminué qu’accru le nombre des écrivains de second ou troisième ordre. À quoi bon décrire des œuvres qui ne valent pas la peine d’être lues ? Exception faite seulement de celles qui expliquent les œuvres qu’on doit lire : mais, en ce cas, elles reprennent une valeur et méritent la lecture.

Je ne puis terminer sans adresser mes remerciements à M. Brunetière qui, depuis trois ans, a bien voulu s’intéresser à ce travail. Il a mis à ma disposition, avec une délicate complaisance, sa riche bibliothèque et sa vaste érudition. Il m’a communiqué les notes manuscrites d’un cours qu’il a professé à l’École Normale sur le xvie siècle : la personnalité originale dont il a empreint cette étude, comme toutes les autres, m’a seule imposé la discrétion dans l’usage que j’ai fait de ces notes suggestives et de ces plans lumineux. C’est