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le quinzième siècle.

Jésus-Christ, un diacre parlant pour les autres personnages, un autre débitant les morceaux de pure narration ? Dans un temps où le peuple ne lisait pas, où le latin lui était devenu inintelligible, il était naturel que les clercs songeassent à dégager le sens du service divin par une figuration plus expressive, à instruire les esprits des fidèles, en saisissant leurs imaginations : ils réalisèrent par des interpolations de plus en plus considérables et dramatiques les actes dont l’office du jour était la commémoration.

Ce furent d’abord des tropes très courts. À Noël, on chante avant l’Introït : Quem quaeritis in praesepe, pastores dicite ? (Bergers, qui cherchez-vous dans l’étable ?) — Respondent : Salvatorem, Christum, Dominum (Ils répondent : le Sauveur, le Christ, le Seigneur). Ce furent ensuite des drames liturgiques : une action plus développée, des personnages plus nombreux, une mise en scène plus riche. Voici comment les choses se passèrent à Rouen : une crèche derrière l’autel, avec l’image de la Vierge ; un enfant, d’un lieu élevé, figurait un ange et annonçait la nativité ; les pasteurs, vêtus de la tunique et de l’amiet, traversaient le chœur, et l’ange leur disait un verset de saint Luc. D’autres enfants, aux voûtes de l’église, figurant des anges, entamaient le Gloria. Les bergers s’avançaient en chantant la prose Pax in terris. Ils adoraient en chantant : Alleluia. Puis l’office commençait.

À Noël aussi se jouait le drame des Prophètes du Christ. Il est sorti d’un sermon apocryphe de saint Augustin sur cette idée fondamentale que l’Ancien Testament est tout entier une figure et une préparation du Nouveau : l’auteur du sermon traduisit cette idée en évoquant treize témoins prophétiques, qu’il faisait déposer en faveur de la mission de Jésus-Christ. Ce sermon très fameux fut récité d’abord, puis joué après matines ou tierce. Le nombre et les noms des personnages ont varié. Dans le manuscrit de Saint-Martial de Limoges, le prêtre récitait le sermon : à son appel se levaient et répondaient Israël, Moïse, Daniel, Habacuc, David, Siméon, Élisabeth, Jean-Baptiste, Virgile, Nabuchodonosor, la Sibylle. Virgile et la Sibylle sont là pour la 4e églogue : ils usaient de l’hexamètre, tandis que les autres témoins parlaient en vers syllabiques et rimés. À Rouen, on a 27 personnages au lieu de 12, dont Balaam avec son ânesse : et la mise en scène se complique. Les soldats de Nabuchodonosor jettent dans la fournaise les trois jeunes Hébreux, qui sortent sains et saufs : et c’est après ce miracle en action que Nabuchodonosor témoigne pour le Christ. On verra ensuite ce drame trop chargé se scinder en petits drames distincts : chaque prophète deviendra centre et héros d’une pièce particulière ; on a conservé deux drames latins de Daniel.

Les principales fêtes de l’année, les Saints Innocents, l’Épiphanie,