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littérature dramatique.

Pâques, les fêtes de saint Étienne, de saint Paul, de saint Nicolas, etc., donnèrent lieu à des compositions de même genre.

Mais, à mesure que ces drames se développent, ils se détachent aussi de l’office. Ils deviennent plus profanes. L’invention personnelle s’y donne carrière. On ne se contente plus des chants de l’Église ni du texte des livres saints. Les vers de toute mesure font leur apparition. On joue encore le drame dans l’église, mais on le déplace, selon les convenances locales : il tient moins étroitement au service divin, qu’il gênerait par ses longueurs.

Enfin la langue vulgaire fait son apparition : et dès ce moment nous n’avons plus à nous occuper des drames latins liturgiques, qui subsisteront à travers le moyen âge, et dont les traces seront signalées jusqu’à nos jours. Le plus ancien texte connu qui mêle au latin la langue du peuple est le drame de l’Epoux ou des Vierges folles (xiie siècle, 2e tiers) : mais il est de la région poitevine, et cette langue du peuple est un dialecte de la langue d’oc. La langue d’oïl apparaît dans deux des trois pièces latines qu’a écrites un disciple d’Abailart nommé Hilaire : dans une Résurrection de Lazare et dans un Jeu sur l’image de saint Nicolas. Il y a aussi un drame pascal des Trois Maries, où la part du français est plus large : mais il est peut-être plus récent.

Une fois introduite, la langue vulgaire ne tarda pas à être souveraine, et du même coup le drame cessa d’être une œuvre cléricale. Les clercs ont encore grande part dans la composition, dans la représentation de ces pièces, mais enfin elles n’appartiennent plus au culte, elles ne sont plus qu’un divertissement édifiant. Elles sortent de l’Église, où de toute façon elles ne sont plus à leur place : elles s’étalent sur le parvis, devant la foule assemblée. Ce sont déjà les mystères du xve siècle : il n’y manque que le nom. Un fragment de la Résurrection (xiie siècle, dans un curieux prologue, nomme treize « lieux et maisons », le ciel à un bout, l’enfer à l’autre, à travers lesquels se promènera l’action. Les rubriques latines d’un drame normand intitulé la Représentation d’Adam (xiie siècle) trahissent une significative préoccupation de la mise en scène et du jeu des acteurs.

« Qu’on établisse le paradis dans un lieu plus élevé, qu’on dispose à l’entour des draperies et des tentures de soie, à telle hauteur que les personnes qui seront dans le paradis puissent être vues par le haut à partir des épaules. On y verra des fleurs odoriférantes et du feuillage : on y trouvera divers arbres, auxquels pendront des fruits, afin que le lieu paraisse fort agréable. Alors, que le Sauveur arrive, vêtu d’une dalmatique ; devant lui se placeront Adam et Ève : Adam vêtu d’une tunique rouge, Ève d’un vêtement de femme blanc, et d’un voile de soie blanc ; tous deux