Page:Lanson - Histoire de la littérature française, 1920.djvu/220

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
198
littérature dramatique.


2. LE THÉÂTRE COMIQUE.


Les origines du théâtre comique [1] (et par théâtre comique il faut entendre tout ce qui n’est pas miracle ou mystère, de sujet chrétien, d’inspiration grave ou pieuse) sont vraisemblablement complexes : certaines farces, où les lazzi et la mimique bouffonne ou indécente dominent, où le dialogue va au hasard, sans action suivie, sans autre dessein que d’entasser quolibets et facéties pour faire rire, se rattachent sans nul doute aux parades des jongleurs de bas étage. Dans la ruine de la culture gréco-romaine, la partie la moins littéraire, la plus populaire du théâtre ancien, dut surnager : et toutes sortes d’histrions, farceurs et bateleurs maintinrent sans doute la tradition de certains spectacles grossiers, mimes, scènes bouffonnes, jeux de clowns et de saltimbanques, où sont enclos certains germes d’art dramatique.

En rapport aussi avec lui étaient les déclamations des jongleurs un peu plus relevés ; nous n’avons qu’à interroger les mœurs contemporaines pour saisir le lien qui unit à la comédie des chansons, des contes ; en général toute pièce destinée à la récitation publique tend vers la forme dramatique, par le surcroit sensible d’effet qu’on obtient en caractérisant les personnages et en les costumant. Un personnage que nous avons vu dans les pièces sacrées, le meneur du jeu, expliquant, narrant, reliant, facilite la transition du conte au drame. Un monologue, un dialogue même n’est pas un « drame » : mais un conteur ou un chanteur qui revêt le caractère et l’habit du personnage dont il conte ou chante quoi que ce soit, devient un « acteur », et emprunte au théâtre un des éléments essentiels de sa définition, celui même par lequel il sort du domaine de la littérature, le « spectacle » (ὂῳιϛ, disait Aristote). Des boniments de forains et de charlatans tiennent aussi quelque chose de l’art théâtral : à plus forte raison, les imitations artistiques de tels boniments, comme ce fameux dit de l’Herberie, où Rutebeuf a rendu tantôt en vers et tantôt en prose le bagou facétieux et l’impudence drolatique des vendeurs de dro-

  1. Éditions : Adam de la Halle, Œuvres complètes, éd. Coussemaker, Paris. 1872. Le jeu de Robin et de Marion, éd. E. Langlois, Paris, 1896, in 16. Fr. Michel et Monmerqué, Théâtre français au moyen âge. E. Deschamps, Œuvres complètes, éd. Queux de Saint-Hilaire, t. VII, p. 155-192 (Soc. des Anc. textes). Le Mystère de Griselidis, Paris, 1832, in-4 gothique.

    À consulter : Petit de Julleville, les Comédiens au moyen âge, Paris, in-12, 1883 ; la Comédie et les mœurs en France au moyen âge, Paris, in-12. 1886 ; Répertoire comique en France au moyen âge, Paris, in-8, 1886. Bédier, les Commencements du théâtre comique en France (Adam de la Halle), Revue des Deux Mondes, 15 juin 1890. H. Guy, Essai sur la vie et les œuvres littéraires du Trouvere Adan de le Hale, 1898 ; M. Wilmotte, les Origines du théâtre comique en France, Aun. intern. Hist., 1900.