CHAPITRE IV
LA LANGUE FRANÇAISE AU XVIIe SIÈCLE
L’intime identité de l’esprit mondain du xviie siècle et de l’esprit cartésien apparaît sensiblement dans la constitution de la langue. Ce fut avec une incroyable passion que la société polie s’appliqua à débrouiller, à perfectionner la langue : tous nos précieux et nos précieuses, marquis, magistrats, prélats, femmes, disputent sur le sens, le mérite, l’orthographe des mots. Écrirait-on muscadin, ou muscardin ? Cette grave question divisa l’Hôtel de Rambouillet, comme celle de la conservation ou de la proscription du mot car, à qui Voiture gagna l’appui de la princesse Julie contre l’hostilité du romancier Gomberville. Or, dans cette culture attentive de la langue française, l’idée directrice à laquelle obéissent plus ou moins consciemment les précieux, est l’effet d’un rationalisme instinctif : elle consiste à ne pas traiter les mots comme des formes concrètes, valant par soi, et possédant certaines propriétés artistiques, mais comme de simples signes, sans valeur ni caractère indépendamment de leur signification. La langue est une algèbre, il ne s’agit que de rendre les signes et les formules aussi commodes que possible à tous les usages intellectuels.
En général, les précieux se sont laissé guider par la connaissance qu’ils ont eue de l’utilité des mots, traités exclusivement comme
- ↑ À consulter : Somaize, Dict. des Précieuses ; Roy, Étude sur Ch. Sorel ; Balzac, Socrate chrétien, X ; Dissert. critiques, VI ; Bouhours, Entretiens d’Ariste et d’Eugène (Entr. sur la langue française) ; Pellisson et d’Olivet, Hist. De l’Acad., éd. Livet (les Appendices du t. I).