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la première génération des grands classiques.

lier, la vérité des miracles de l’Ancien Testament, prouvera la mission de Jésus-Christ par les figures de la Bible et par les prophéties, puis par la personne même, les miracles, les doctrines, la vie du Rédempteur ; enfin il montrera dans la vie et les miracles des Apôtres, dans la composition et le style des Évangiles, dans l’histoire des saints et des martyrs, et dans tout le détail de l’établissement du christianisme, les marques évidentes de la divinité de notre religion. En poursuivant ces études, deux idées dominent l’argumentation de Pascal : 1° Credo quia absurdum : la religion, essentiellement, est choquante, absurde pour la raison, et pourtant elle s’est établie : donc son établissement est preuve de sa divinité. Des hommes l’auraient faite plus vraisemblable, ne fût-ce que pour pouvoir l’accréditer. 2° Deus absconditus : il est essentiel à la religion qu’elle soit incompréhensible, incertaine : sinon, si tout le monde la comprend, en aperçoit la vérité et la divinité, tout le monde y croira, et tout le monde sera sauvé. Or, par hypothèse, Dieu ne veut se montrer qu’à ses élus ; il se dérobe à ceux qu’il damne, pour les damner de ne l’avoir pas vu. Ces deux idées sont les moyens par où toutes les objections qu’on peut faire à Pascal sont réduites en arguments à l’appui de sa thèse. Et ainsi s’achève le dessein qu’il avait de montrer que la religion chrétienne a autant de marques de certitude et d’évidence que les choses qui sont reçues dans le monde pour les plus indubitables.

On a embrouillé à plaisir le dessein de Pascal, et l’on y a cherché des difficultés, des contradictions qui n’y sont pas. Comment peut-il mépriser l’infirmité de la raison, et soumettre à la raison les preuves de la religion ? Mais dans la première partie, Pascal établit seulement l’impuissance transcendantale et métaphysique de la raison, qui ne donne qu’une certitude imparfaite dans un domaine restreint ; dans la seconde partie, Pascal parle des causes multiples qui, dans son domaine même, font errer souvent la raison, mais il sait le remède, et les règles par lesquelles on est assuré de faire un bon usage de sa raison. Il dit que le pyrrhonisme est le vrai, mais il ne dit pas que le dogmatisme soit faux, bien au contraire : le dogmatisme aussi est le vrai. Et puis le pyrrhonisme tient le dogmatisme en échec précisément sur une question qui dépasse la portée restreinte de la raison, sur une question d’essence et d’origine, sur celle de savoir pourquoi l’homme est ce qu’il est : à cette question la révélation seule répond Pascal, après cela, a donc bien le droit de s’adresser dans la quatrième partie à la raison, et de lui proposer des preuves, qui fourniront une évidence pareille, égale, et non supérieure, à cette que l’homme obtient par ses méthodes humaines dans toutes les parties de ses sciences. Les trois premières parties fourniront des probabilités, des pré-