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les grands artistes classiques.

Avec ses mérites de style et de pittoresque, la comédie du xvie siècle est donc purement littéraire et artificielle. Aussi la comédie disparaît-elle à peu près avec l’école de Ronsard. Lorsque Hardy fonda, ou de moins le théâtre nouveau, la comédie n’y a point de place : la chose s’explique toute seule. La tragi-comédie et la pastorale, qui étaient plus en faveur que la tragédie même, enfermaient quelques éléments de la comédie : les autres étaient détenus par la farce, dont la représentations, suivait à l’ordinaire la tragédie et la comédie. Cette farce, toute populaire et grossière, était très en faveur [1] : à l’Hôtel de Bourgogne, Gros Guillaume, Gaultier Garguille, Turlupin faisaient les délices du public, et l’on goûtait les Prologues bouffons de Bruscambille. Au Pont-Neuf, devant la boutique de l’opérateur Mondor, son frère Tabarin s’immortalisait par des parades. Tragi-comédie et farce rendaient la comédie inutile. Aussi (le second recueil de Larivey mis à part) ne s’étonnera-t-on pas de ne pas rencontrer plus de quatre ou cinq comédies entre 1598 et 1627.

La comédie fut rétablie par Rotrou (1628, ou plutôt 1630), Corneille (1629), Mairet (1632) [2]. Le Cid et Horace, en (déterminant la tragédie, en la purgeant de comique, aidèrent la comédie à se définir ; un peu gênée, et incertaine de sa limite tant que se soutint la tragi-comédie, elle élimine pourtant peu à peu le tragique. Les œuvres se multiplient : Desmarets (1637), d’Ouville (1641), Gillet de la Tessonnerie (1642), Scarron (1645), Boisrobert (1646), Th. Corneille (1647), Quinault (1653), Cyrano de Bergerac et Tristan (1654) enrichissent le genre et le conduisent à Molière. Même de 1649 à 1656, la comédie prend le pas sur la tragédie : sa vogue est parallèle à celle du burlesque.

Dans cette période (1627-1658), la couleur de la comédie est à peu près trouvée dans l’exclusion du pathétique ; mais on cherche la matière, et l’on tente diverses directions. Tout au début, alors que les comédies étaient rares encore, Corneille fit une tentative des plus originales [3]. Il créa une comédie à peine comique, toute spirituelle, qui était la peinture, non la satire ni la charge, de la société précieuse : il y introduisait des honnêtes gens sans ridicules, qui avaient le ton, les manières, les idées du monde ; il montrait .

    çais aux xvi et xviie siècle, Paris, in-8. Viollet-le-Duc, Anc. Théâtre français, Bibl. elzév., t. IV-VII (les tomes V-VI, et VI, p. 1-107, contiennent Larivey). — À consulter : E. Chasles, la Comédie au xvie siècle, Paris, 1862.

  1. On trouvera une farce de l’Hôtel de Bourgogne au tome IV des frères Parfaict, p. 254, et deux farces de Tabarin dans Fournier, recueil cité.
  2. Mairet donna les Galanteries du duc d’Ossone, œuvre italienne de goût et de facture. — À consulter : E. Danheisser, Studien zu Jean de Mairet’s Leben und Wirken, 1888, in-8.
  3. La Veuve, la Galerie du Palais, la Suivante, la Place Royale.