Page:Lanson - Histoire de la littérature française, 1920.djvu/557

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE IV

RACINE


1. Thomas Corneille et Quinault. Le romanesque doucereux. L’opéra et le ballet de cour. — 2. Racine : sa vie et son humeur. — 3. Son œuvre dramatique : la tragédie passionnée. Vérité de la passion : lutte contre le faux idéalisme. Réalité intime du drame : simplicité de l’action et du style. Les femmes de Racine : variété des caractères. Peinture de l’amour. — 4. La poésie de Racine : La couleur dans ses tragédies. Mithridate, Phèdre, Athalie. — 5. Faiblesse de la tragédie autour de Racine, décadence après lui.
1. THOMAS CORNEILLE ET QUINAULT.

Corneille s’était retiré du théâtre, dépité de la chute de Pertharite (1652). Pour prendre la place qu’il laissait vide, deux hommes se présentèrent : l’année 1656 vit débuter dans la tragédie Thomas Corneille et Quinault.

Thomas Corneille[1] est un de ces souples esprits, distingués et médiocres, qui sont capables de tout, et ne font rien supérieurement. Il excelle à profiter des inventions, à copier la manière des autres : c’est un faiseur, plutôt qu’un artiste. Il s’est cru obligé par son nom à faire du Corneille, et il en a fait. Il nous a redonné — énervés, diffus, alambiqués, dans un style plus lâché que simple — l’amour-estime, les discours sur les matières d’État, et la politique en maximes, les grandioses scélérats qui raisonnent leur scélératesse, les orgueilleuses princesses qui combattent leur amour par leur gloire. Souvent le cadet s’est contenté de démarquer les pièces du grand frère : Camma est en rapport étroit avec

  1. Cf. p. 512 et 530-1. — Principales tragédies : Timocrate, 1656 ; Stilicon, 1660 ; Camma, 1661 ; Maximien, 1662 ; Laodice, 1668 ; la Mort d’Annibal, 1669 ; Ariane, 1672 ; le Comte d’Essex, 1678.