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les grands artistes classiques.

traitent les plus merveilleux sujets de la poésie antique avec une sorte de bon sens bourgeois, asservi et étréci par les préjugés de leur monde. À la fin du siècle, je ne vois à nommer que la pièce de Longepierre (1688), pour une Médée rendue avec une raideur énergique de dessin et une pauvreté de couleur qui font moins songer à l’antiquité qu’à David, et pour un Jason très curieux de réalité prosaïque, dans son rôle de bellâtre égoïste et plat.

La tragédie se meurt. Des mœurs de convention s’établissent : l’observation directe de la nature cède la place à des formules arrêtées, dont, au nom de la dignité tragique, il ne sera plus permis de se départir. Les sujets s’évanouissent dans le vague et l’abstrait. Pour voiler le vide et la fausseté des sentiments, on arrange, on entortille les incidents romanesques, les scélératesses monstrueuses. Les incognitos et les reconnaissances deviennent le train ordinaire et journalier des actions théâtrales. À mesure que la tragédie s’affadit, on cherche à la renforcer par la rareté des situations et des sentiments : on va hors de la nature et contre la nature. Jamais Campistron n’est plus fade que lorsqu’il veut peindre un amour incestueux. Ni lui, ni Lagrange-Chancel ne valent d’être lus : ils font valoir je ne dis pas Rotrou ou Tristan, mais Scudéry et La Calprenède, et le bonhomme Hardy. Ne nous faisons pas illusion : la fécondité vigoureuse de la tragédie, c’est autour de Corneille qu’il faut la chercher. Racine en a prolongé seul la splendeur, dans une époque qui n’était plus capable que de l’opéra.

    larmoyante, p. 81-106. Le jugement ici porté se justifierait par : Pradon, Régulus, ou Phèdre et Hippolyte ; Genest, Pénélope ; Longepierre, Médée ; Campistron. Andronic, Tïridate ; Lagrauge-Chancel, Ino et Mélicerte, Amasis (sujet de Mérope).