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les formes d’art.

losophiques. Ces intentions doctrinales, cette prédication, ces maximes, ces personnages qui sont ou des abstractions personnifiées ou les porte-parole du poète, nous refroidissent aujourd’hui les tragédies de Voltaire. Ils en firent alors le succès, en leur donnant une brûlante actualité. Voltaire n’eut pas tort de vouloir exprimer sa conception de la vie, du bien, de la société, par son théâtre : mais il n’eut pas le génie qu’il fallait pour traduire dramatiquement cette conception.


3. FIN DE LA TRAGÉDIE.


Voltaire, c’est toute la tragédie du xviiie siècle : hors de lui, il n’y a rien qui puisse nous arrêter. Il contient et Lanoue, et Lemière, et La Harpe, et De Belloy, et Saurin, et Chénier : il les contient tous, et à eux tous ils sont loin de lui équivaloir. L’histoire des mœurs peut enregistrer la superficielle émotion patriotique qui se manifeste à propos du Siège de Calais (1763) : mais De Belloy en lui-même n’intéresse pas l’histoire littéraire.[1] Un seul homme est à signaler, c’est Ducis, pour ses adaptations des drames shakespeariens : Hamlet (1769), Roméo et Juliette (1772), le Roi Lear (1783), Macbeth (1784), Jean Sans Terre (1791), Othello (1792). Mais ces dames qui réduisent Shakespeare à l’étroitesse de la technique voltairienne, ces drames sont illisibles, et ridicules aujourd’hui. Nous aurons à y revenir pour indiquer les causes qui ont fait de l’œuvre de Ducis un remarquable cas d’avortement littéraire.

  1. Du moins il n’interesse que l’histoire de la décoration et de la mise en scène. Les notations de décor dans ses tragédies sont très curieuses et détaillées (11e éd.).