CHAPITRE II
L’ÉLOQUENCE POLITIQUE
Il n’y a pas eu lieu pour nous de consacrer une étude particulière aux œuvres oratoires du xviiie siècle. Il n’y a plus d’éloquence religieuse après Massillon, du moins dans l’église catholique : car lorsque Rousseau parle sur la Providence et la conscience, sur la religion et sur la morale, nous avons reconnu dans sa parole une inspiration protestante ; notre grand orateur philosophique est un prêcheur de Genève. L’éloquence judiciaire est bien médiocre encore, bien verbeuse, bien prétentieuse, reflet tantôt pâle et tantôt criard des styles et des idées dont la littérature enivrait le public : et plutôt que de feuilleter les mémoires d’Élie de Beaumont, de Linguet, de Loyseau de Mauléon, des avocats de métier, on fera mieux de relire ce que Voltaire écrivit pour les Galas et ses autres protégés, ou les Mémoires de Beaumarchais, et les mémoires ou plaidoyers de Mirabeau dans le procès en séparation qu’il soutint contre sa femme : les écrits de ces avocats d’occasion sont les vrais chefs-d’œuvre de l’éloquence judiciaire.
L’éloquence politique n’existe pas encore : les institutions ne lui font point de place. Cependant, comme aux deux siècles précédents, les agitations parlementaires font parfois appel ou donnent issue aux facultés oratoires des magistrats : dans les querelles religieuses de la première moitié du siècle, on distingue l’âpre fermeté du janséniste abbé Pucelle, dans les luttes du Parlement contre la cour et les ministres qui précèdent la Révolution, les fougueux emportements de Duval d’Epréménil. Mais cela est bien