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PREMIÈRE PARTIE. — LIVRE I.

grand nombre de siècles, n’ont point éprouvé d’altération sensible. Ainsi nous regarderons l’inertie comme une loi de la nature, et, lorsque nous observerons de l’altération dans le mouvement d’un corps, nous supposerons qu’elle est due à l’action d’une cause étrangère.

Dans le mouvement uniforme, les espaces parcourus sont proportionnels aux temps ; mais les temps employés à décrire un espace déterminé sont plus ou moins longs, suivant la grandeur de la force motrice. Ces différences ont fait naître l’idée de vitesse, qui, dans le mouvement uniforme, est le rapport de l’espace au temps employé à le parcourir ; ainsi, représentant l’espace, le temps et la vitesse, on a Le temps et l’espace étant des quantités hétérogènes, et par conséquent incomparables, on choisit un intervalle de temps déterminé, tel que la seconde, pour unité de temps ; on choisit pareillement une unité d’espace, telle que le mètre ; et alors l’espace et le temps sont des nombres abstraits, qui expriment combien ils renferment d’unités de leur espèce, et qui peuvent être comparés l’un à l’autre. La vitesse devient ainsi le rapport de deux nombres abstraits, et son unité est la vitesse du corps qui parcourt un mètre dans une seconde.

5. La force n’étant connue que par l’espace qu’elle fait décrire dans un temps déterminé, il est naturel de prendre cet espace pour sa mesure ; mais cela suppose que plusieurs forces, agissant dans le même sens, feront parcourir un espace égal à la somme des espaces que chacune d’elles eût fait parcourir séparément, ou, ce qui revient au même, que la force est proportionnelle à la vitesse. C’est ce que nous ne pouvons pas savoir a priori, vu notre ignorance sur la nature de la force motrice ; il faut donc encore, sur cet objet, recourir à l’expérience ; car tout ce qui n’est pas une suite nécessaire du peu de données que nous avons sur la nature des choses n’est pour nous qu’un résultat de l’observation.

Nommons la vitesse de la Terre, commune à tous les corps qui sont à sa surface. Soit la force dont un de ces corps M est animé en vertu de cette vitesse, et supposons que soit la relation qui existe