Page:Laplace - Œuvres complètes, Gauthier-Villars, 1878, tome 7.djvu/25

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du monde moral, établit et conserve dans toute une nation des idées entièrement contraires à celles qu’il maintient ailleurs avec le même empire. Quelle indulgence ne devons-nous donc pas avoir pour les opinions différentes des nôtres, puisque cette différence ne dépend souvent que des points de vue divers où les circonstances nous ont placés ! Éclairons ceux que nous ne jugeons pas suffisamment instruits ; mais auparavant examinons sévèrement nos propres opinions, et pesons avec impartialité leurs probabilités respectives.

La différence des opinions dépend encore de la manière dont on détermine l’influence des données qui sont connues. La Théorie des Probabilités tient à des considérations si délicates, qu’il n’est pas surprenant qu’avec les mêmes données deux personnes trouvent des résultats différents, surtout dans les questions très compliquées. Exposons ici les principes généraux de cette Théorie.

Principes généraux du Calcul des Probabilités.

Ier principe.Le premier de ces principes est la définition même de la probabilité, qui, comme on l’a vu, est le rapport du nombre des cas favorables à celui de tous les cas possibles.

IIe principe.Mais cela suppose les divers cas également possibles. S’ils ne le sont pas, on déterminera d’abord leurs possibilités respectives, dont la juste appréciation est un des points les plus délicats de la théorie des hasards. Alors la probabilité sera la somme des possibilités de chaque cas favorable. Éclaircissons ce principe par un exemple.

Supposons que l’on projette en l’air une pièce large et très mince dont les deux grandes faces opposées, que nous nommerons croix et pile, soient parfaitement semblables. Cherchons la probabilité d’amener croix une fois au moins en deux coups. Il est clair qu’il peut arriver quatre cas également possibles, savoir, croix au premier et au second coup ; croix au premier coup et pile au second ; pile au premier coup et croix au second ; enfin pile aux deux coups. Les trois premiers cas sont favorables à l’événement dont on cherche la probabilité, qui, par con-