Page:Laporte - Émile Zola, 1894.djvu/123

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Il n’existe pas d’indifférence morale à défaut de conscience ; l’homme a l’instinct moral, et il ne le diminue en lui qu’en s’abrutissant. On ne trouverait pas un être raisonnable, je ne dis pas sans moralité, mais sans conscience de son immoralité ou au moins de l’immoralité des autres. Écrire l’immoralité, c’est tuer la morale, c’est détruire la vertu. La vraie cause du mal est dans les entrailles mêmes de notre nature ; pourquoi les remuer ? Pourquoi étaler devant l’homme sa dégradation morale ? L’écrivain qui veut moraliser ne moralise pas en nous mettant en face d’une nature exceptionnellement laide et en spéculant sur nos mauvais penchants par la peinture de lascivetés croustillantes. Je ne crois pas à l’effet moralisateur de l’analyse du vice ; on n’acquiert pas un sentiment plus élevé du devoir en se repaissant de tableaux voluptueux. Les réalités morales sont seules moralisatrices ; la matière même est moralisante quand Dieu et l’âme l’éclairent et que l’esprit humain voit Dieu à travers la nature ; il l’analyse et la juge plus sainement qu’en la voyant à travers un tempérament.

La décadence des mœurs est, dans l’ordre moral, ce qu’est le coma dans la maladie : le signe certain de la ruine, ou plutôt de la mort d’une nation. La manie de rénovation positiviste, matérialiste, naturaliste, est la maladie de notre temps. Le monde moral a son