Page:Laporte - Émile Zola, 1894.djvu/164

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c’est-à-dire interpréter et traduire la nature à son image, en l’illuminant du reflet de sa double nature : esprit et matière. Ce que l’artiste imite dans la nature, ce n’est pas la réalité telle qu’elle est en dehors de lui, c’est la réalité telle qu’elle est en lui. Il voit la nature, mais il la voit non pas vulgaire, telle qu’elle est dans sa réalité triviale ; mais il la voit telle que la lui font ensemble et sa pensée qui la regarde, et son âme qui la sent, et son cœur qui l’aime. Il se fait en un mot, de l’objet, une image qu’il grave en lui d’après un certain type de beauté idéale entrevue par son génie ; et c’est cette image identifiée à lui-même et toute exubérante de sa vie qui va sortir toile, marbre ou livre de son cerveau.

Zola, comme tous les réalistes et les naturalistes, n’a abandonné et même conspué ces règles immuables du vrai art que parce qu’elles contrariaient son but en le privant des bénéfices d’une littérature facile et lucrative. Son naturalisme est, non une conviction, mais une opération, non un art, mais un métier. Pourquoi, s’il n’y a pas un autre but que l’art, dans le naturalisme, peindre toute la nature et rien que la nature, et reproduire toute la réalité telle qu’elle se voit et toute la nature telle qu’elle est ? Si tel spectacle me fait horreur dans la nature et si telle réalité me répugne, pourquoi me forcer à les contempler dans l’art ? L’original m’épou-