Page:Laporte - Émile Zola, 1894.djvu/195

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avant d’aborder un chapitre, il en refait le plan en détail. Puis il se met à l’œuvre, écrivant régulièrement trois pages d’impression par jour. Chaque phrase se bâtit dans sa pensée comme les vers d’un poète, avant qu’il ne la fixe sur le papier. Les trouvailles de la route non utilisées sur-le-champ s’entassent sur l’appui-main qui, dépouillé, enrichit les autres chapitres : le plan demeure ouvert. Souvent un effet, préparé dès les premières pages, ne se manifeste que dans les dernières. Marche régulière et sûre. Les romans de Zola ont une charpente solide que, seul, le consciencieux Flaubert se donnait la peine d’établir.

Dans le grand cabinet de Médan, les notes du Bonheur des Dames sont étalées.

« Voici l’ébauche. Je mets là tout ce qui me passe par la tête, aucun souci d’art ni même d’orthographe. Tous mes livres ont un centre, une idée générale, ce qu’Alexis nomme très bien un thème mélodique. Ce thème s’indique dans l’ébauche.

» Je veux écrire un roman où je montrerai la force de l’activité et de l’ordre. J’exposerai le grossissement continu d’une maison qui devient colossale. Trois étages, le petit commerce, le commerce moyen, le grand commerce. Pour bien faire éclater ce débordement de puissance, j’abandonnerai tout pessimisme ; au contraire, je célébrerai le labeur infini du siècle.