Page:Laporte - Émile Zola, 1894.djvu/31

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É. Zola est un auteur doublé de plusieurs autres ; il pense, il parle, il agit, il écrit si habilement d’après ses lectures, qu’on aurait l’illusion que c’est de lui, si un lapsus naïf, une ignorance imprévue, une interprétation scientifique fausse ne décelaient l’emprunt, la supercherie ou la contrefaçon. Il se sert si naturellement de l’esprit et de la science des autres, qu’il y est le premier trompé, et qu’il croit souvent obéir à son goût, expliquer sa pensée ou appliquer sa méthode, lorsqu’il n’est que l’écho de quelqu’un qu’il vient de lire : il n’est lui que par les autres.

Reprenez, en effet, à son œuvre ce qu’il a emprunté à la science de Claude Bernard, aux études du docteur Lucas, de Le Play, de Poulot, etc., et à l’exégèse littéraire de nombreux écrivains, que lui restera-t-il ? Moi, moi, dira-t-il, et c’est assez. Assez ! car lui seul ignore combien il est au-dessous du génie ; il est même incapable de savoir jusqu’où l’on peut avoir de l’esprit ; il croit simplement que ce qu’il en a est tout ce que les hommes pourraient en avoir ; aussi a-t-il l’air et le maintien de celui qui en vend et qui en a à revendre ; il parle plus souvent aux autres de lui-même qu’à lui-même ; sa vanité l’a fait tellement grand qu’elle l’a mis au-dessus de lui ; il se surprend à regarder au-dessus de sa tête, volontiers il s’étonnerait de ne pas s’en trouver une autre ; l’on juge, en le voyant, et surtout en le lisant,