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passions, par la connaissance éclairée de ses devoirs divins et sociaux, n’eût probablement jamais songé au crime, mais un livre, plusieurs livres ont paru et lui ont dit : « Il n’y a de vrai que le réel dont tu dois jouir, et de scientifiquement positif que la nature telle que tu la vois, qui t’appartient ; tout est matière, c’est à la plus intelligente et à la plus forte à s’approprier celle qui l’est moins. » Comment sa passion et ses vices pouvaient-ils résister à ces leçons naturalistes ? Cet argument eût gêné mon réquisitoire ; j’ai tenu à vous le soumettre loyalement, pour mieux le combattre. Ma conviction, en effet, après avoir relu les vingt volumes consacrés à l’histoire naturelle et sociale de cette étrange famille des Rougon-Macquart, et avoir consulté les autres ouvrages du même écrivain, qui en sont les pièces justificatives ou laudatives, est qu’on ne peut en présenter un plus avantageux pour la défense, là est toute la moelle du système naturaliste, par conséquent la cause morale de l’acte criminel de l’accusé.

» Chaque homme qui jouit de la plénitude de ses facultés intellectuelles est absolument responsable de ses actes, quels qu’en soient la cause et les motifs, par rapport à la société, dès l’instant qu’il menace sa sécurité et qu’il tombe sous ses lois : on l’attaque, elle défend et se défend. Si le coupable avait le droit de faire remonter la responsabilité de