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PERNETTE.

 
Exhorta ce mourant qui va vivre à jamais :

« Bénis, ô mon enfant, ce Dieu qui, tout à l’heure,
Doit t’ouvrir de son sein l’éternelle demeure,
Qui t’exempte ici-bas d’un combat incertain,
Te payant ta journée au milieu du matin :
Qui te prend jeune et pur et sans laisser au monde
Le temps de te flétrir de son haleine immonde.
Peut-être qu’à midi, sous l’ardeur du péché,
Ton cœur tari d’amour se serait desséché ;
Que la vie aurait fait dans la foule grossière,
De tes plus fraîches fleurs une infecte poussière ;
Peut-être que l’orgueil et le doute moqueur
Auraient chassé ce Dieu qui se plaît dans ton cœur.
Tu pars aimé de lui, chaste et pieux encore ;
Les favoris du ciel meurent en pleine aurore.
Le maître épargne ainsi des périls superflus
À ceux qu’il a marqués pour être ses élus.
Réjouis-toi, mon fils, en son nom je t’appelle
À ceindre au milieu d’eux la couronne immortelle !
Tu peux t’offrir au juge et partir sans effroi ;
L’ombre même du mal n’existe plus en toi.
Ton sang et ta jeunesse, offerts en sacrifice,
Ont attendri pour toi sa clémente justice.
Fais donc avec amour dans ses divines mains
Le joyeux abandon de tes bonheurs humains ;
Fais sortir un encens du feu de tes souffrances ;
Brûle au fond de ton cœur tes jeunes espérances ;
Et, sans disputer rien à ce Dieu que tu crois,
Donne-toi tout entier, comme lui sur la croix !
Il sait, ce Dieu fait chair, que le passage est rude
Qui conduit par la mort à la béatitude ;