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LES NOCES.

 
La terre, à larges flots, exhalait autour d’eux
L’âpre encens du genièvre et des pins résineux,
Et mille odeurs des buis et des fleurs d’humble taille
Sous les pieds des soldats broyés dans la bataille,
Et qui, pareils au cœur tendres et gémissants,
Plus ils sont écrasés, plus ils donnent d’encens.
L’air, vaguement chargé de soufre et de salpêtre,
Fumait encore autour des longs taillis de hêtre,
Attestant, sous le ciel paisible et radieux,
Les noirs combats de l’homme à travers ce beau lieu.

Autour des fiancés le groupe se resserre ;
Les. fronts plus tristement se baissent vers la terre.
Mais, sur le vœu qu’émet le chaste bien-aimé,
On observe pour lui le rite accoutumé.
Le poêle nuptial, formé de branches vertes,
Tient d’un pudique abri les deux têtes couvertes ;
Le prêtre unit les mains des pâles amoureux ;
Le verset solennel est récité sur eux,
Et l’époux à l’épouse, en se penchant vers elle,
A du mystique anneau mis la chaîne éternelle.

Puis le guide sacré, comme en face du port,
Exhorta cet amour plus puissant que la mort :

« Renoncez vaillamment au songe de la vie,
Du véritable hymen la mort sera suivie :
Enivrés l’un de l’autre en un monde plus beau,
Vous l’irez consommer au delà du tombeau ;
Vous n’en tarirez pas les douceurs infinies ;
Dans leur vol immortel vos âmes sont unies ;
Et, rentrés à jamais dans le pays natal,