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LE LIVRE D’UN PÈRE.


Mais en vain la blonde Provence
Aux chansons veut me convier,
Sur ses coteaux ornés d’avance
Et du myrte et de l’olivier ;

En vain du sol où je voyage
Un écho jaillit sous mes pas…
La Muse qui chante à mon âge
Est muette où vous n’êtes pas.

Les clartés, les parfums que j’aime,
Les voix du monde aérien,
Les torrents, le chêne lui-même,
À mon cœur ne disent plus rien.
 
J’ai cessé de voir et d’entendre
Dans l’âme du vaste univers ;
Une voix plus humble et plus tendre
Me dictera mes derniers vers.

Enfants ! c’est la Muse modeste
Qui tient nos cœurs purs et joyeux.
Le seul poème qui me reste,
Je le lis, tout bas, dans vos yeux.

Quel espoir m’entraîne et m’agite
Loin de nos retraits familiers ?
Où trouverai-je un plus doux gîte
Et des cœurs plus hospitaliers ?

Au prix des souffrances de l’âme,
De l’exil, presque des remords,