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LA GRAND’GERBE.


Les fifres et la cornemuse
Sonnent sur l’herbe, à qui mieux mieux,
Les airs de la rustique muse
Qui faisaient bondir les aïeux.

Déjà tournent les folles rondes,
Filles, garçons, entremêlés ;
Hors des coiffes les tresses blondes
S’échappent sur les cous hâlés.

À voir comme chacun se dresse,
Saute et rit de mille façons,
À voir la fougueuse allégresse
De ces danses, de ces chansons,

Dirait-on qu’au loin dans la plaine,
Ils ont, courbés sous un ciel lourd,
Altérés, suant, hors d’haleine,
Manié la faux tout le jour ?

Car, mes fils, il faut qu’on travaille
Rudement pour cueillir ces grains !
La moisson, plus que la semaille,
Veut l’effort des bras et des reins.

La terre, chaude comme braise,
Brûle les pieds. Le noir grillon
Se tait, se cache et dort à l’aise
Dans les crevasses du sillon.

Et plus les récoltes sont belles,
Moins le faucheur a de sommeil,