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LES VACHES.

Votre lait et ce miel, issus des mêmes fleurs,
Ont gardé leurs vertus sur ces gazons tranquilles.

Elle apparaît ton œuvre, ô Nature, en tout lieu !
Dans mon cœur altéré des choses éternelles,
La paix et la douceur coulent de tes mamelles,
Et, par de frais sentiers, tu me conduis vers Dieu :

Vers lui dont j’entrevois partout la Providence,
Vers lui qu’à travers tout j’adore en ces déserts…
Et j’entoure en son nom, de l’encens de mes vers,
La vache aux larges flancs, mère de l’abondance.

Egayé du son clair de ce cuivre argentin,
Baigné des feux vermeils du couchant qui s’allume,
La saine odeur du lait, de la sauge et du thym
A ma lèvre irritée ôte son amertume.

Autour de ces troupeaux calmes comme ces bois,
Mon âme se repose, et j’y respire à l’aise ;
Et, tandis que mon sang s’enrichit et s’apaise,
L’infini de mon cœur déborde avec ma voix ;

Et j’oublie un moment l’heure sombre où nous sommes,
Et, peut-être, au milieu de ces fraîches senteurs,
Ma pensée à longs flots coule de ces hauteurs,
Plus pure devant Dieu, plus douce pour les hommes.


Septembre 1866.