Page:Laprade - Les Symphonies - Idylles héroïques, Lévy, 1862.djvu/114

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

La cloche tinte au cou de mas taureaux joyeux,
Et les prés, tout en fleurs, réjouissent mes yeux.


LE POÈTE


La nature se plaint : sa voix, terrible ou tendre,
Parle d’une souffrance à qui sait bien l’entendre.
Tout menace ou gémit. De la source au torrent,
Le flot, qui va gronder, s’écoule en murmurant.
Comme un soupir sans fin qui remplit tout l’espace,
Dans les sapins tremblants le vent passe et repasse ;
Et, même aux plus beaux jours, la voix qui sort des mers
Atteste un mal obscur dans leurs gouffres amers.
Ici, dans cette paix des douces bergeries,
Écoute ces taureaux et ces brebis chéries,
Ton chien, tes blonds ramiers posés sur ces vieux ifs,
Et tes agneaux bêlants… Tous ces bruits sont plaintifs.


LE PÂTRE


J’entends, je vois partout s’appeler, se poursuivre,
Les animaux joyeux du seul bonheur de vivre.
Tous semblent à tes yeux ou tristes ou méchants,
Jeune homme aux blanches mains, qui crois aimer les champs
Quel noir démon t’invite à ces pensers moroses,
Enfant ? Et tu n’as vu que la saison des roses !
La neige des hivers où nous marchons pieds nus,
Nos soucis, nos travaux, te sont tous inconnus !