Page:Laprade - Les Symphonies - Idylles héroïques, Lévy, 1862.djvu/260

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Plus loin, dans le soleil, qui le sèche à merveille,
Monte en cône arrondi le foin coupé la veille ;
Là, vous écoutez rire, autour des peupliers,
Les filles de la ferme en rouges tabliers,
Et la meule y reçoit de la fourche de frêne
Les gerbes de sainfoin que le râteau lui traîne.

Un char, dont l’essieu crie en montant le coteau,
Balance, au pas des bœufs, son odorant fardeau,
Aux arbres du chemin, chaque fois qu’il se penche,
Laissant fleurs et gazons pendus à chaque branche.
Un autre, vide encor, s’arrête ; et les enfants
Assiégeant le timon y grimpent triomphants.
Appuyé sur le joug du taureau qui rumine,
Un robuste bouvier, jeune et de fière mine,
Dont la brune faneuse accuse le repos,
Sourit nonchalamment à ses joyeux propos.
Bientôt, parmi les cris, la joie universelle,
Le gerbier tout entier sur le char s’amoncelle ;
Tant la gaîté rustique aux lèvres de corail
Sait abréger la peine et doubler le travail.

Toi, qui fuis ces labeurs que la sagesse envie,
Pourquoi, sans t’arrêter, passer devant la vie,
Voyageur poursuivi par ton rêve importun,
Et refuser ta part dans le bonheur commun ?