Page:Laprade - Poèmes évangéliques, Lévy, 1860.djvu/223

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Qu’à tourner en poison le Verbe qui nourrit,
O honte ! et qu’à pousser la chair contre l’esprit.
Des sens et de l’orgueil la révolte insolente
A fait de toi sa voix sonore et turbulente ;
Prompt à donner l’exemple avec l’enseignement,
Oh ! tu t’es dans le mal comporté vaillamment ;
Ta langue, si rapide à franchir ta frontière,
A porté haut et loin l’hymne de la matière.

Tes pères, quand ton sang bouillait en eux trop fort,
Au cri de Dieu le veut, s’élançaient à la mort !
Aujourd’hui, quand ton sol s’ébranle et que la foule
Disperse les débris d’un trône qui s’écroule,
Lorsque, pour infliger leur juste peine aux rois,
Tu sembles commencer les guerres de la croix ;
Quand tu sors, tel qu’un loup affamé sort d’un antre,
Un autre Dieu le guide, et ce Dieu, c’est le ventre !
Pour rallumer ton feu prêt à s’évanouir,
Il n’est plus qu’un seul mot, ce mot impur : jouir !

Ah ! le jour où viendraient les nations nouvelles
A ce libre festin à qui tu les appelles,
Loin d’imiter le Maître en ce banquet d’amour
Où chacun se fait pain et s’immole à son tour,
Votre fraternité, les mains de sang rougies,