Page:Laprade - Poèmes évangéliques, Lévy, 1860.djvu/291

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Toute sève tarit, excepté les poisons ;
Et, contre l’homme, issus des marais et des sables,
Surgissent tout à coup des monstres innombrables.
La chair, comme l’esprit, n’a, dans ce temps fatal,
Conservé de fécond que les germes du mal.

Alors, comme aux vieux jours que le crime ramène,
Les bêtes prévaudront contre la race humaine.
Les hommes ne sont plus ces vigoureux enfants
Qui disputaient la proie aux lions triomphants,
Et, même après Éden, sur tout ce qui respire
De l’être intelligent rétablissaient l’empire.
Tant de siècles sans Dieu, dans la chair accroupis,
Ont fait des nations de vieillards décrépits :
L’homme éteint, sans ressort, incapable de lutte,
Tombe, de race en race, au-dessous de la brute.

Je le vois, je le vois, l’Adam des derniers jours !
Il rampe sur ses mains, il se traîne à pas lourds,
Et promène au niveau de la fange et de l’herbe
Ce front que notre orgueil relevait si superbe.
Ce n’est plus l’Ange, hélas ! même l’Ange exilé,
A qui, dès son berceau, le Seigneur a parlé ;
Et qui, malgré sa chute et dans l’ombre charnelle,
Garde encor de son Dieu l’empreinte originelle ;