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CONTRIBUTION DE LA GUADELOUPE



du 15 mai, remettait par le fait à la merci des assemblées coloniales le sort des malheureux affranchis. La terreur avait été si habilement répandue dans l’assemblée que les voix de Pétion, de Grégoire et de Robespierre restèrent impuissantes.

Mais l’assemblée se ressaisit; elle agita de nouveau la question coloniale. Tarbé, dans la séance du 2 mars 1792, fit un long rapport sur les malheurs de Saint-Domingue. Il en rejeta tout l’odieux et la responsabilité sur la caste blanche. Garan de Coulon, dans cette séance, éclaira l’assemblée sur l’origine des troubles. La péroraison de son discours mérite d’être rapportée : "Déclarons, dit-il, que ce décret (celui du 24 septembre qui mettait le sort des affranchis à la merci des assemblées coloniales) est attentatoire à la souveraineté de la Nation ; nous n’y sommes point soumis, ni comme citoyens, ni comme députés ; nous devons le détester comme hommes. "L’assemblée revint donc sur le décret que les manœuvres de Barnave lui avaient surpris. Le décret du 4 avril 1792 rétablit celui du 15 mai 1791 ; c’était un hommage tardif que la métropole rendait au principe des droits de l’homme, d’autant que ses tergiversations avaient déjà causé des maux presque irréparables.

Le 14 juillet 1793, on célébra à Saint-Domingue l’anniversaire de la prise de la Bastille, — la fête de la Fédération. La cérémonie fut imposante. Elle donna une trop haute idée des destinées de l’homme, pour que les idées d’émancipation ne prissent pas une extension plus générale. Le 29, les commissaires de la Métropole, Sonthonax et Polvérel, lancèrent la proclamation de la liberté générale. Le sol de la colonie ne pouvait plus porter l’esclavage : Sonthonax ne l’eût-il pas aboli, qu’on l’eût aboli sans lui. Ainsi l’année 1793 vit, sous les auspices de la France républicaine, disparaître du sol de mon pays la monstrueuse servitude qui l’ensanglantait depuis environ trois siècles ; deux hommes d’énergie venaient de réaliser les vœux formulés par