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Sa demande en mariage fut donc agréée et, en 1858, une petite fille, ardemment souhaitée, vint combler ses vœux.

Deux années plus tard, le capitaine, désigné pour prendre part à la campagne de Chine, dut quitter sa femme et son enfant. Il paya de sa personne comme au temps où il était garçon, de chevalier passa officier de la Légion d’honneur, et revint en congé à la Guadeloupe.

Hélas ! les joies de retour n’eurent qu’une courte durée : Mme Guérin mourut dans une épidémie de fièvre jaune.

Le désespoir du capitaine fut terrible, — ses camarades le soupçonnèrent un instant de songer à se tuer, — mais il était père, il adorait sa petite Jeanne ; les baisers de cette enfant lui donnèrent du courage et il résolut de vivre pour elle.

Bientôt même, pour n’être plus obligé de s’en séparer, il faisait valoir ses droits à la retraite, et partait pour la France avec sa fille bien-aimée, le vivant souvenir de ses amours mortes.

La retraite du capitaine Guérin fut liquidée à la somme de deux mille quatre cents francs, toutes ses campagnes comprises. Cette somme était certainement insuffisante pour vivre à Paris, s’entretenir, élever une enfant et donner plus tard une bonne éducation à une jeune fille. Mais le vieux militaire, réfugié dans la paternité, se distinguait par ses habitudes d’ordre et d’économie. Puis il était parfaitement tranquille sur l’avenir de Jeanne : sa première jeunesse était un peu restreinte, mais elle aurait une dot respectable, elle serait certainement riche un jour. En effet, tandis que le capitaine se battait pour la France et contribuait à sa fortune, son frère, Claude Guérin, un négociant, avait fait une fortune personnelle. Elle devint même assez considérable pour qu’il voulût en jouir. Il s’était retiré des affaires, avait pris un bel appartement sur