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les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament.

Manuscrit alexandrin (Codex alexandrinus), Nom d’un célèbre manuscrit grec de la bibliothèque du Musée britannique, contenant la Bible des Septante et le Nouveau Testament. L’Ancien Testament y est complet ; il y a quelques lacunes dans le Nouveau. Ce manuscrit forme 4 vol. in-folio ; il est écrit sur parchemin en lettres onciales, sans indication d’esprits ni d’accents, et paraît être de la seconde moitié du VIe siècle. Il fut envoyé à Charles Ier, roi d’Angleterre, par le patriarche de Constantinople Cyrille Lucaris.

Vers alexandrin, Vers français composé de douze syllabes quand la rime est masculine, et de treize quand elle est féminine. La césure doit être immédiatement après la sixième syllabe. Ce nom d’alexandrin vient, selon les uns, d’Alexandre, poète parisien, qui employa le premier ce vers ; selon d’autres, du poëme ou roman d’Alexandre le Grand, commencé au XIIe siècle par Lambert-li-Cors, et continué par le même Alexandre de Paris. || S’emploie substantiv. : La versification française, avec ses alexandrins qui vont deux à deux, a peu de mouvement. (Michelet.) || Absol. : L’alexandrin d’André Chénier est-il celui de Racine ? Évidemment non. (Ste-Beuve.)

— Encycl. On donne au vers alexandrin le nom d’héroïque, parce qu’il est particulièrement affecté à l’épopée et à la tragédie. Ce vers convient aux sujets sérieux et graves, et, sous ce rapport, il remplace l’hexamètre des Latins et des Grecs. Sa forme est celle de l’asclépiade, qui était, lui aussi, composé de 12 syllabes et divisé en 2 hémistiches. Le vers alexandrin est majestueux et solennel ; mais il a les défauts de ses qualités : « Il est beau, dit Voltaire, mais parfois ennuyeux. » Cette invariable césure, ces couples de rimes masculines et féminines se succédant régulièrement, cette symétrie pompeuse ont pour écueil la monotonie. M. Proudhon ne partage pas à cet égard l’opinion générale ; il admire le mécanisme de l’alexandrin classique. « Des couples redoublés, dit-il, deux hémistiches égaux pour le vers, deux vers couplés par la rime pour le distique, puis encore deux couples de sexe différent pour former le quatrain, voilà ce qui fait la magnificence et la force de la poésie française, la supériorité de notre versification sur celle des anciens. » Malgré l’autorité de M. Proudhon, on peut croire que le romantisme avait quelque raison de chercher à assouplir la raideur de notre vers héroïque, à mettre quelque variété dans cette phrase carrée, à rendre un peu plus vivante cette beauté géométrique. S’il était nécessaire de montrer par des exemples que l’alexandrin, en devenant plus libre dans ses mouvements, n’a rien perdu de sa beauté, nous n’aurions qu’à ouvrir au hasard un des ouvrages de notre grand romantique.

— Épithètes. Long, noble, nombreux, harmonieux, majestueux, épique, héroïque, grave, uniforme, monotone, ennuyeux, pédantesque.


ALEXANDRIEN, IENNE. V. alexandrin.


ALEXANDRINIEN. V. alexandrin.


ALEXANDRINISME s. m. (a-lèk-san-dri-ni-sme). Système philosophique de l’école d’Alexandrie.


ALEXANDRISTE s. m. (a-lèk-san-dri-ste). l’artisan de l’école d’Alexandrie, de l’aloxan


ALEXANDRITE s. f. (a-lèk-san-dri-te — de Alexandre, n. pr.). Miner. Nom donné par quelques minéralogistes à la cymophane de l’Oural, et par d’autres à la phénakite, en l’honneur de l’empereur Alexandre de Russie.


ALEXANDROS (qui secourt les hommes), surnom de Junon.


ALEXANDROVSKA, ville de Russie, sur la rive gauche du Dnieper ; 3,500 hab. Ville fortifiée et entrepôt d’un commerce considérable.


ALEXANOR s. m.(a-lèk-sa-nor — n. myth.). Entom. Espèce de papillon des Alpes.


ALEXETOR et ALEXETER (sauveur), surnom de Jupiter.


Alexiade (L’), ou Vie d’Alexis Comnène, par Anne Comnène, en 15 livres et en grec. Cet ouvrage est un des monuments précieux de la Collection byzantine. Il répand un grand jour sur l’histoire de la première croisade, que l’auteur avait vue, et sur les divers intérêts des croisés et des Grecs, réunis contre les infidèles, mais fort mal unis entre eux. Partout elle fait l’apologie de son père à l’égard des croisés, qui l’ont accusé de perfidie. Anne accable de reproches les chefs des croisés, principalement Boémond, fils de Robert Guiscard, ennemi personnel d’Alexis. À travers une foule de détails inutiles, mais que l’étiquette de la cour de Byzance lui faisait sans doute paraître importants, nous devons à Anne Comnène la connaissance de plusieurs particularités curieuses qui seraient perdues pour l’histoire. On lui a reproché de raconter des prodiges, et elle le fait avec une conviction qui prouve que les Grecs n’étaient pas moins superstitieux que les latins.


ALEXICACOS (qui détourne le mal), surnom de Jupiter. Les Athéniens le donnèrent aussi à Apollon, dont l’oracle, pendant la guerre du Péloponèse, leur avait indiqué le moyen de se délivrer de la peste.


ALEXIE s. f. (a-lèk-sî). Entom. Genre de coléoptères tétramères.


ALEXIPHARMACEUTIQUE adj. (a-lèk-si-far-ma-seu-ti-ke — rad. alexipharmaque). Qui a les propriétés de l’alexipharmaque.


ALEXIPHARMAQUE adj. et s. m. (a-lèk-si-far-ma-ke — du gr. alexein, repousser, et phiarmakon, poison). Nom que les anciens donnaient aux remèdes qu’ils croyaient propres à prévenir ou à détruire les mauvais effets des poisons.

— Encycl. Sous la dénomination d’alexipharmaque, aujourd’hui complètement tombée en désuétude, étaient compris des agents thérapeutiques de toute nature, et particulièrement des toniques, des excitants, des sudorifiques. On attribuait le plus d’efficacité à ceux dans lesquels il entrait le plus de substances diverses ; telles étaient les nombreuses espèces de thériaque, l’orviétan, etc.


ALEXIPYRÉTIQUE adj. (a-lèk-si-pi-ré-ti-ke — du gr. alexein, repousser ; puretos, fièvre). Méd. Syn. inusité de fébrifuge.


ALEXIROÉ, nymphe, fille du fleuve Granique. Elle eut de Priam un fils nommé Æsacus.


ALEXIS (saint), fils d’un sénateur romain, vivait dans le IVe siècle ; il abandonna sa famille pour embrasser la vie cénobitique. Fête le 7 juillet.


ALEXIS Ier, Comnène, fils de Jean Comnène et neveu de l’empereur Isaac Comnène, né à Constantinople en 1048, usurpa le trône sur Nicéphore Botoniate, l’an 1081, et le relégua dans un cloître ; battit les Turcs, remporta deux victoires signalées sur Robert Guiscard, qui avait envahi la Grèce, et repoussa une invasion des Scythes en Thrace. C’est alors que parut dans ses États une multitude innombrable de croisés (1096), dont les brigandages le forcèrent à un traité que les historiens latins lui reprochent de n’avoir pas toujours loyalement observé. Néanmoins il racheta les prisonniers faits sur les croisés par les Sarrasins, et reçut les Français avec une grande magnificence lorsqu’ils entrèrent à Constantinople. Il mourut en 1118, à l’âge de soixante-dix ans. Sa fille Anne Comnène a écrit sa vie dans un ouvrage qui a pour titre l’Alexiade. (V. ce mot.)


ALEXIS II, Comnène, empereur de Constantinople, fils de Manuel Comnène, auquel il succéda en 1180, âgé seulement de douze ans. Il fut placé sous la tutelle d’Alexis, son oncle, dont la tyrannie souleva les grands. Appelé par eux, Andronic Comnène, cousin du défunt empereur, qui l’avait exilé, s’empara de la régence, fit couronner le jeune Alexis, s’associa lui-même à l’empire, et, peu de semaines après, fit étrangler son collègue en 1183.


ALEXIS III, l’Ange, empereur de Constantinople, frère d’Isaac l’Ange, qu’il détrôna en 1195 et qu’il fit aveugler. Il conclut avec les Turcs et les Bulgares une paix honteusement achetée à prix d’argent. En 1203, Alexis le Jeune, son neveu, s’empara de Constantinople à l’aide des croisés, qu’il avait intéressés à la querelle, et Alexis l’Ange se vit forcé de prendre la fuite. Il tomba entre les mains de Théodore Lascaris, qui le fit enfermer dans un monastère, où il mourut en 1210.


ALEXIS IV, le Jeune, empereur grec, de 1203 à 1204. Il tira des fers en montant sur le trône Isaac l’Ange, son frère, et, comme il était aveugle, il lui remit le sceptre, se contentant d’être son collègue. Malheureusement les exigences des croisés qui lui avaient vendu leur intervention l’ayant mis dans la nécessité de recourir à de nouveaux impôts, un autre tyran, Alexis V Murzuphle, exploita le mécontentement public, détrôna Alexis et le fit étrangler.


ALEXIS V, Ducas, surnommé Murzuphle (dont les sourcils se rejoignent). Il s’empara du trône de Constantinople par le meurtre d’Alexis IV (1204). Ayant eu l’imprudence de déclarer la guerre aux croisés, ceux-ci le détrônèrent à son tour. Baudouin, comte de Flandre, prit sa place, et le fit précipiter du haut de la colonne de Théodose.


ALEXIS MICHAÏLOVITCH, czar de Russie, le second de la maison de Romanof, né en 1629, mort en 1676. Il succéda, en 1645, à son père Michel Féodorovitch, et passa les premières années de son règne dans une complète inaction, laissant la direction des affaires à deux favoris, Plechtcheief et Morosof. Leurs exactions provoquèrent, en 1648, un soulèvement qui coûta la vie à Plechtcheief. Le mécontentement général eut aussi pour effet d’encourager les tentatives de deux prétendants : celle du troisième faux Démétrius et celle d’Ankoudinof, qui se disait fils du czar Vasili Chouiski et qui fut exécuté à Moscou en 1653. Parvenu à l’âge viril, Alexis s’occupa avec ardeur de l’administration des affaires publiques et de l’agrandissement de son empire. Une guerre avec la Pologne (1654-1667) lui assura la possession des provinces de Smolensk, de Tchernigof et de Sévérie, ainsi que d’une partie de l’Ukraine. Pendant une lutte de trois ans (1655-1658) avec la Suède, il conquit une grande partie de la Livonie et de l’Ingermanland, mais dut y renoncer plus tard, par la paix de Kardis (21 juin 1661). En revanche, il étendit sa domination jusque dans l’extrême orient de la Sibérie, entra en relations avec la Chine, et, aidé par le vaillant hetman Chabarof, conquit la Daurie et la région du fleuve Amour. En 1672, il noya dans des flots de sang le soulèvement des Cosaques du Don. On a représenté Alexis comme un prince éclairé, intelligent, plein de modération dans les plaisirs des sens, et vraiment religieux. Ce fut lui qui réunit en un seul corps toutes les lois des différentes de l’empire russe et qui les fit publier en un recueil connu sous le titre d’Oulagenié ; mais ce fut aussi sous son règne que le patriarche Nikon provoqua un schisme dans l’Église grecque. Après l’exécution de Charles er il avait privé les marchands anglais des privilèges dont ils jouissaient dans ses États ; mais il sut toujours honorer et récompenser les talents des étrangers. Marié deux fois, il eut de sa première femme deux fils et quatre filles, et de la seconde, qui était la belle Natalie Narichkine, une fille et un fils : ce dernier fut Pierre le Grand.


ALEXIS PÉTROWITZ, prince russe, fils de Pierre le Grand, né à Moscou en 1690, mort en 1718. Son humeur sauvage, son attachement superstitieux aux anciens usages de la nation, le profond mépris qu’il professait pour les arts des peuples civilisés, son opposition aux réformes opérées par le czar, le perdirent dans l’esprit de ce prince, effrayé de rencontrer dans son héritier présomptif des dispositions si antipathiques aux vastes conceptions de son génie. Pour ne pas avoir à craindre de trouver en lui le destructeur de l’édifice qu’il avait passé sa vie à élever, Pierre le Grand exigea du czarowitz sa renonciation au trône. Pendant un voyage du czar, Alexis s’enfuit à la cour de Vienne, puis à Naples, où son père finit par découvrir sa retraite. Il l’engagea alors à revenir à Moscou, et, dès que le prince fut arrivé, il le fit juger par une assemblée des principaux membres de la noblesse et du clergé, et condamner à mort pour crime de lèse-majesté ; mais il lui accorda presque en même temps sa grâce. Le malheureux prince mourut dans sa prison peu de temps après. Pierre II, son fils, monta sur le trône en 1727.


ALEXISBAD, village d’Allemagne, dans la principauté d’Anhalt-Bernbourg. Bains établis en 1769, aujourd’hui très-fréquentés. || Les eaux d’Alexisbad, froides, sulfatées, calcaires, magnésiennes et ferrugineuses, connues depuis 1766, émergent par trois sources.


ALEXITÈRE ou ALEXITHÈRE adj. et s. m. (a-lèk-si-tè-re — du gr. alexêtêr, qui porte secours). Se disait des médicaments employés pour prévenir les effets d’un venin, d’un poison : Eau alexitère. Un bon alexitère.


ALEXIUS s. m. (a-lèk-si-uss). Monnaie d’or valant dans le duché d’Anhalt 20 fr. 76.


ALEYRODE s. m. (a-lé-i-ro-de — du gr. aleuron, farine ; eidos, forme). Entom. Genre d’insectes hémiptères, de la famille des gallinsectes, renfermant une seule espèce, qui vit sur la chélidoine commune. Ces insectes ont le corps mou et farineux, d’où leur nom.


ALEZAN, ANE adj. (a-le-zan, a-ne — de l’arab. al, le ; hazan, beau, élégant). De couleur fauve, tirant sur le roux : Une mule fit une très-belle pouliche d’un poil alezan avec les crins noirs. (Buff.)

— Substantiv. Cheval ayant le poil alezan : On distingue l’alezan clair, l’alezan poil de vache, l’alezan bai, l’alezan vif, l’alezan obscur et l’alezan brûlé.


ALÈZE ou ALÈSE s. f. (a-lè-ze — rad. lé). Méd. Drap ou lé de toile, plié en plusieurs doubles, dont on se sert pour soulever les malades, et plus spécialement pour garantir le lit du sang, du pus, de l’urine, etc. : Les alèzes sont ordinairement de vieux linge. (Acad.) La toile dont on se sert pour les alèzes ne doit pas être d’un tissu trop fin ni trop gros ; il faut qu’elle soit douce, à demi usée, et blanche de lessive. (J. Cloquet.)


ALFA s. m. (al-fa — mot arabe). Bot. Nom donné par les Arabes à une graminée fort commune en Algérie et appelée par les botanistes slipa tenacissima,

— Encycl. L’alfa, qui résiste aux chaleurs et à la sécheresse, croît abondamment dans toute l’Algérie. Il fournit au besoin une nourriture substantielle aux chevaux et aux bestiaux ; mais sa feuille ronde et aiguillée sert principalement à faire des travaux de sparterie, des nattes, cordes communes, tapis, chaussures, etc. On est même parvenu à en fabriquer un papier très-résistant.


ALFALFA s. m. (al-fal-fa — mot. esp.) Bot. Nom espagnol de la luzerne commune, qui, introduite au Chili, est revenue en Europe sous cette dénomination.


ALFANE, nom que l’Arioste donne dans son poème à la jument de Gradasse. Ce nom est surtout connu par l’épigramme piquante du chevalier de Cailly. Ménage avait laborieusement établi que alfana, mot espagnol qui désigne un cheval fort et vigoureux, vient du latin equus. Le chevalier décocha alors contre le trop savant étymologiste le quatrain suivant :

 Alfana vient d’equus, sans doute ;
Mais il faut avouer aussi
Qu’en venant de là jusqu’ici,
Il a bien changé sur la route.


ALFANGE s. f. (al-fan-je — de l’arab. al, le ; khandjar, coutelas). Sorte de cimeterre en usage chez les Arabes, les Persans, les Turcs, et autres peuples de l’Orient :

— Bot. Sorte de laitue.


ALFARABI, philosophe arabe, né dans la Transoxiane, mort à Damas vers 950. Il étudia à Bagdad, qui était alors le foyer de la philosophie et de la science grecques, voyagea en Syrie et en Égypte, et finit par se fixer à Damas. Disciple d’Aristote, il popularisa parmi les Arabes les doctrines de ce philosophe, et fut le maître d’Avicenne. Il joignait à de profondes connaissances philosophiques et scientifiques un grand talent pour la musique et la poésie. Ses principaux ouvrages sont une sorte d’encyclopédie (Ihsa-el-o’loum) où il donne une classification des sciences ; un Exposé de la philosophie de Platon et d’Aristote, un Traité de morale et un Traité de musique.


ALFARO Y GOMEZ (don Juan de), peintre espagnol, né à Cordoue en 1640, mort en 1680. Élève de Velazquez, il se distingua surtout par l’éclat de son coloris. Son dessin se ressent de la décadence de l’art à cette époque. Ses portraits sont très-estimés. On cite surtout celui de Calderon, qui se trouve au-dessus du tombeau du poète.


ALFÉNIDE s. m.(al-fé-ni-de — rad. Halphen, chim. contemporain). Chim. Alliage métallique entièrement blanc, qui n’a pas l’inconvénient de rougir ou de jaunir. C’est du maillechort argenté, composé de 50 parties de cuivre, 30 de zinc, 10 de nickel et 1 de fer, et qui sert principalement à fabriquer des couverts de table. La découverte de cette composition date de 1850.


ALFERGANY (Mohammed-ben-Kétir), astronome arabe, né à Farab, dans la Sogdiane, mort vers 820 de l’ère chrétienne. Il revisa les Tables astronomiques de Ptolémée, et écrivit un Livre des mouvements célestes et de la science des étoiles.


ALFES ou ELFES. V. Elfes.


ALFIER ou ALFIÈRE s. m. (al-fi-è-re — mot tiré de l’esp. et qui signif. porte-drapeau). Officier porte-drapeau en Espagne et en Italie.


ALFIERI (le comte Victor), célèbre poëte tragique italien, né en 1749, à Asti (Piémont), mort à Florence, en 1803. À seize ans, libre et maître de sa fortune, affranchi de l’étude, qui lui avait toujours été odieuse, il se jeta avec l’emportement d’une nature fougueuse dans les plaisirs, la dissipation et les aventures, parcourut d’une course folle une partie de l’Europe, sans autre but, comme il le dit lui-même, que de se donner du mouvement, et ne commença à écrire que vers 1775. Porté au genre tragique par la nature même de son esprit ardent, par les élans d’une âme énergique et pleine du feu des passions, il ne se fit pourtant connaître d’abord que par quelques écrits légers en langue française. Une tragédie de Cléopâtre, qui lui tomba sous les yeux, lui révéla en quelque sorte sa vocation. Il traita le même sujet dans une pièce qui fut représentée à Turin, et dont le succès décida de sa vie. Il écrivit successivement vingt tragédies, dans un système entièrement nouveau en Italie. À la manière molle, efféminée et gracieuse de ses devanciers, il substitua un dialogue serré, nerveux et précis, un style mâle, pur, extrêmement concis, rempli d’images frappantes et de fortes pensées, une action sobre jusqu’à la sécheresse, des caractères tracés avec énergie, des situations vraiment tragiques et des sentiments élevés. Il retrancha de ses pièces les coups de théâtre, les confidents, les amoureux inutiles ; il en aurait volontiers retranché toute espèce d’action pour n’y laisser subsister que le dialogue. Cette poétique imprimait à ses productions un caractère simple et sévère, mais en même temps une sécheresse et une raideur que l’éloquence de ses monologues et des dialogues ne peut faire oublier. On peut lui reprocher aussi de n’avoir pas caractérisé les siècles, les personnages et les sujets, et de leur avoir donné une couleur uniforme, où se retrouve constamment l’empreinte de ses propres idées et de ses sentiments. Ses œuvres les plus remarquables sont : Philippe II, Polynice, Antigone, Agamemnon, Virginie, Oreste, la Conjuration des Pazzi, Don Garcia, Rosemonde, Marie Stuart, Timoléon, Octavie, Mérope, et Saül. En résumé, on reconnaît généralement qu’il est inférieur aux grands poètes modernes qui ont traité les mêmes sujets que lui. Imitateur de l’école française, malgré ses préventions et ses dénégations, il est resté, suivant l’habile critique Ginguené, à la même distance de nos grands tragiques que ceux-ci le sont des Grecs.

Alfieri, pour aborder le théâtre, avait dû recommencer son éducation, prendre des précepteurs et s’astreindre à un travail opiniâtre pour apprendre non-seulement le latin, mais encore l’italien classique, qu’il savait fort mal, la composition dramatique, l’histoire, etc. Telle était son ardeur au travail, qu’à l’âge de quarante-huit ans il entreprit l’étude du grec, pour lequel il s’enflamma d’un enthousiasme tardif ; et comme s’il eût voulu reprendre la puérilité de l’enfance en même temps que les études élémentaires de cet âge, il créa pour lui un ordre d’Homère, dont il se fit chevalier.

Au début de sa carrière dramatique, il avait eu le bonheur de rencontrer une femme pleine de charme et d’élévation, la comtesse d’Albany, épouse du dernier des Stuarts, dont l’influence le fixa pour toujours au travail. Séparé plusieurs fois d’elle par le caprice des événements et du monde, il la retrouva à Paris, où il était venu faire imprimer ses