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la chaux, selon l’usage, n’a aucune décoration ; il est affecté au culte musulman du rite maleki.

Djama-Djedid (la mosquée nouvelle), plus connue sous le nom de mosquée de la Pêcherie, est située au bout de la rue de la Marine, en face de la place Mahon ; on y entre par la descente au port. La tradition veut que l’esclave qui dirigea les travaux de ce monument ait été brûlé vif, pour avoir osé donner à une mosquée la forme d’une église. On remarque à l’intérieur une belle chaire en marbre blanc sculpté et un admirable manuscrit, in-folio, du Coran, prodige d’ornementation calligraphique. Djama-Djedid a, comme la grande mosquée, une galerie sur le port. Le minaret carré abrite l’horloge de la ville, depuis la démolition de la Djenina.

Le Fort Bab-Azzoun ou mieux El Bordj Ras-Tafoura (le fort du cap Tafoura), relié maintenant à Alger par la nouvelle enceinte, a été bâti par Hussein-Pacha, de 1581 à 1584 ; il défendait Alger du côté de la route de Constantine. C’est aujourd’hui un pénitencier militaire. Les autres forts d’Alger sont le Toppanat-el-Beylik ; le bordj el-Andalous ; le bordj el-Zoubia ; le bordj Setti-Takelilt, plus connu sous le nom de fort des Vingt-Quatre Heures, et où fut martyrisé Geronimo, Maure devenu chrétien, le 18 septembre 1569, et enfin le bordj Ramdan.

La Casbah. Cette citadelle domine Alger du point culminant occidental au sommet du triangle de la ville. Elle est antérieure à 1516, année où elle fut restaurée et augmentée par Selim-ben-Teumi. Ali-Khodja (surnommé le fou), avant-dernier dey d’Alger, s’étant aliéné l’esprit des troupes, fit transporter nuitamment ses trésors à la Casbah, où il s’enferma avec une garde à lui, le 1er novembre 1817. Les janissaires s’étant insurgés à cette nouvelle, Ali fit décapiter un grand nombre de meneurs. Le soufflet donné par son successeur Hussein à notre consul est le dernier épisode de l’histoire de la Casbah. C’est aujourd’hui une immense caserne, traversée par la route d’El-Biard, route qui a fait disparaître la plus grande partie des fameux jardins du dey.

Aqueducs. Les quatre aqueducs amenant l’eau dans les fontaines d’Alger sont : l’aqueduc du Hamma, qui fut construit en 1622 par Sta-Moussa ; l’aqueduc de Telemli, à Moustapha supérieur ; l’aqueduc d’Aïn-Zeboudja, et l’aqueduc de Bitraria, amenant les eaux de la vallée du fort l’Empereur.

— Hist. Depuis la conquête romaine jusqu’à l’établissement des Turcs et à la domination des Barberousse, l’histoire d’Alger se confond dans celle des contrées voisines, et n’offre qu’un intérêt secondaire ; c’est à partir de cette dernière époque que le rôle qu’elle a joué jusqu’en 1830 commence à revêtir son véritable caractère, et qu’elle entoure son nom du prestige redoutable qui a fait si longtemps l’effroi des nations chrétiennes. L’histoire d’Alger s’ouvre sur la vie des deux pirates les plus terribles dont les mers aient conservé le souvenir, les Barberousse. Le premier s’empara par surprise d’Alger, où il avait été appelé à titre d’auxiliaire. Tué en 1518, dans une lutte meurtrière contre les Espagnols, il eut pour successeur son frère Khaïr-el-Dinn, d’une habileté et d’une audace encore plus extraordinaires. Des vicissitudes effroyables ne purent ébranler sa constance ni son énergie, et il finit par sortir victorieusement des épreuves que lui firent traverser ses cruautés, ses pirateries, toute une vie pleine des expéditions les plus aventureuses, mais constamment dirigées par un génie qui permit à ce forban redoutable de disputer l’empire des mers à André Doria, le premier marin de son temps. De sanglants orages assaillirent sa fortune, qui eût été submergée sans la fertilité de ressources et l’indomptable énergie de ce personnage extraordinaire, demi grand homme et demi brigand. La chrétienté s’était émue à la nouvelle de ses succès, et ce fut Charles-Quint qui s’attribua la mission de la venger des insultes de Barberousse. Il réunit une flotte de quatre cents voiles, portant vingt-cinq mille hommes de débarquement, presque tous vieux soldats, deux mille cavaliers et l’élite de la noblesse espagnole. L’empereur commandait cette armée en personne (1535). Néanmoins, tout le succès de l’expédition se borna à la prise de Tunis ; Charles-Quint n’osa point aller mettre le siège devant Alger, et les corsaires reprirent leurs courses avec une audace croissante. Une entreprise directe contre le repaire où s’abritaient Barberousse et les pirates pouvait seule imposer un frein à leur insolence, et l’empereur résolut, en 1541, de la mettre à exécution. Des préparatifs furent faits sur une échelle immense : l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne fournirent leur contingent de soldats ; cinq cents chevaliers de Malte, trois mille volontaires appartenant aux plus nobles familles, et parmi eux l’illustre Fernand Cortez, le conquérant du Mexique, ainsi que ses trois fils, s’associèrent à cette expédition, qui semblait ressusciter les grands souvenirs des croisades. La flotte, composée de vaisseaux génois et espagnols, était placée sous le commandement suprême d’André Doria ; elle arriva le 21 octobre 1541 en vue du rivage d’Afrique, et le débarquement commença le 26, à une demi-lieue à l’est d’Alger. Jusqu’alors tout semblait présager un triomphe à Charles-Quint, malgré les craintes que lui avait exprimées le pape Paul III sur l’état avancé de la saison, malgré les observations pressantes de Doria, pour la vieille expérience duquel un débarquement sur les côtes d’Afrique, à ce moment de l’année, était une entreprise chanceuse jusqu’à la témérité. « Il n’y a que deux ports en Afrique, répétait ce grand homme de mer, juin et juillet. » Charles resta sourd à tous les conseils, leur opposant cette persistance aveugle qui semble quelquefois étouffer la prévoyance des plus sages, pour les entraîner à un désastre inévitable. « Vingt-deux ans d’empire pour moi, avait-il répondu à Doria, et soixante-douze ans de vie pour vous, nous doivent suffire à tous deux pour mourir contents. »

Dans la soirée du 27, le vent changea tout à coup de direction, et l’une des plus épouvantables tempêtes dont les annales maritimes aient conservé le souvenir se déchaîna sur la mer et sur ses bords. Les soldats, dont les tentes n’avaient point encore été débarquées, souffraient cruellement sous une pluie glacée qui perçait leurs vêtements, avariait leur poudre et mettait leurs armes dans l’impossibilité de servir, tandis qu’ils pénétraient jusqu’à mi-jambe dans une terre mouvante qui se défonçait sous leurs pas. Les Turcs et les Maures profitèrent de cette détresse pour exécuter une sortie et charger vigoureusement les Italiens. C’étaient de nouvelles recrues, commandées par Prosper Colonna : Ces jeunes soldats reculèrent en désordre et essuyèrent des pertes cruelles. Mais l’empereur ayant envoyé plusieurs compagnies pour les soutenir, battit en retraite. Alors Fernand de Gonzague, ramenant les troupes humiliées de leur échec, les entraîna dans un retour impétueux contre les Turcs, et arriva en même temps que ceux-ci aux portes d’Alger. Un chevalier de Malte, de la nation française, y planta même son poignard. Cette héroïque témérité leur devint fatale. Accablés de pierres et de traits lancés du haut des remparts, pris en flanc par une partie des Turcs, et en tête par le gouverneur d’Alger, l’eunuque Hassan, qui chargeait lui-même avec ses soldats, les Européens s’enfuirent dans un épouvantable désordre. Les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, que l’on reconnaissait à leurs cottes d’armes violettes, et plus encore à leur calme intrépidité, se serrèrent les uns contre les autres, et opposèrent une invincible résistance à tous les assauts. Charles-Quint arriva enfin lui-même avec ses lansquenets allemands et rétablit la face du combat, « Aussitôt, disent les récits arabes, le maudit de Dieu prit ses armes, ses gardes l’entourèrent, et il s’avança pour arrêter les progrès des Algériens. Les Musulmans reculèrent. »

Mais cet échec militaire n’était rien auprès du désastre qui frappait au même instant la flotte. La tempête, de plus en plus terrible, battait les navires, qui chassaient sur leurs ancres. Cent quarante bâtiments de transport allèrent se briser à la côte, occupée par des nuées d’Arabes qui massacrèrent sans pitié les naufragés. Quinze galères périrent également ; mais les autres, plus fortement construites et manœuvrées plus habilement, résistèrent mieux, en général, aux efforts de la tempête. Doria sur la mer, et sur la terre Charles-Quint, Fernand de Gonzague, le duc d’Albe et Cortez, firent tout ce qui était humainement possible à de grands cœurs et à de fermes esprits pour sauver la flotte et l’armée, et ils y parvinrent. Mais on n’avait pu débarquer les vivres et les munitions, et il fallut songer à la retraite, en présence d’un ennemi qui harcelait les troupes, égorgeant les traînards et massacrant les blessés. L’embarquement, commencé le 1er novembre, fut interrompu par une nouvelle tempête, qui dispersa les vaisseaux ; l’empereur ne monta à bord que le 8 novembre, et atteignit le 23 l’île de Majorque, d’où il était parti cinq semaines auparavant (1541).

On rapporte qu’aussitôt après son arrivée, il s’empressa d’envoyer à l’Arétin une chaîne d’or de la valeur de cent ducats, pour conjurer les railleries du redoutable satirique. Il n’y réussit qu’à moitié, car, en recevant la chaîne d’or, l’Arétin ne put s’empêcher de dire, avec son sourire sarcastique : « Voilà un bien petit présent pour une si grande sottise ! »

L’issue fatale de cette expédition exerça dans le présent une influence funeste, influence qui s’étendit à un avenir lointain. Alger vit grandir son renom d’invincible. Le souvenir de Charles-Quint malheureux et vaincu la protégea contre de nouvelles entreprises, et l’opinion s’établit que personne ne pouvait réussir, là où le puissant rival de François Ier n’avait essuyé que des revers. La puissance redoutable qui siégeait à Alger exploita cette croyance pour perfectionner son organisation, fortement conçue par Barberousse. Elle s’appuyait sur trois éléments : l’initiative d’un chef énergique, dont le caractère et le génie imprimaient l’impulsion à tout le mécanisme ; une milice turque, formée sur le modèle de celle des janissaires, animée à la fois de leur intrépidité et de leur esprit remuant ; enfin les corsaires, ces aventuriers hardis qui furent la principale force de Barberousse, hommes redoutables, animés dans leurs expéditions, par le triple mobile du fanatisme, de la cupidité et des séductions de cette vie de hasards, de jouissances et de périls, qui rend le repos fastidieux à ceux qui l’ont goûtée. Alger, placée d’abord sous la dépendance des sultans, s’en affranchit peu à peu ; la milice s’arrogea le droit de nommer le dey, auquel elle obéissait aveuglément jusqu’à ce qu’elle l’étranglât dans un de ses sanglants caprices. C’était le genre de mort auquel devaient s’attendre la plupart de ces élus d’une force brutale, mobile et passionnée. Quand un dey mourait paisiblement dans l’exercice de sa charge, le cas semblait si étrange et si beau qu’il était honoré comme un saint. Malgré ces péripéties violentes, la puissance algérienne conservait son véritable caractère et imprimait la terreur sur toutes les mers. Ses nombreux vaisseaux, montés par des pirates intrépides, remplissaient ses murs de prisonniers de toutes les nations, réduits aussitôt en esclavage soit au profit du dey, soit à celui des particuliers, quand ils ne pouvaient racheter leur liberté à prix d’argent. Il existe, dans les récits des ordres rédempteurs, des légendes touchantes sur les misères et les aventures de ces captifs, au nombre desquels on compte Cervantès, qui, avant d’écrire son immortel Don Quichotte, fut longtemps esclave à Alger. La présence, dans cette ville, d’une si grande quantité de sujets chrétiens, détermina les gouvernements européens à s’y faire représenter par des consuls, et la religion, que l’on est toujours sûr de trouver partout où il y a une œuvre généreuse à accomplir, voulut également avoir ses représentants à Alger. Parmi ces consuls, dont la mission était de protéger leurs nationaux, le premier, sans contredit, était le consul de France. Quant aux religieux, qui, devançant la politique, s’étaient établis à Alger dès 1551, on sait les services immenses que ces pieux et infatigables apôtres du dévouement rendirent aux malheureux captifs, et les noms des Pères de la Trinité, de la Rédemption, de la Merci, sont impérissables dans les fastes de l’humanité aussi bien que dans ceux de la religion. Cependant, il était impossible qu’à la fin, les États chrétiens ne se fatiguassent point des insultes faites à leurs pavillons et du préjudice énorme causé à leurs intérêts commerciaux par les corsaires barbaresques. La France surtout, qui avait de temps immémorial des établissements sur la côte d’Afrique, souffrait impatiemment l’odieux tribut que les écumeurs de mers prélevaient sur ses navires et sur ses sujets, et plus d’une fois nos rois adressèrent aux deys d’énergiques réclamations ; mais elles ne produisaient qu’un effet passager sur un gouvernement pour lequel le droit ne commençait qu’où s’arrêtait la force. D’ailleurs, dès qu’un prince chrétien, caressé par un rêve de vengeance, formait le projet d’une expédition, le souvenir terrible de Charles-Quint se dressait devant lui comme un fantôme et le forçait à courber la tête sous les humiliations. Néanmoins, sous le gouvernement fort de Louis XIV, le cri de l’orgueil étouffa les inspirations de la peur. Diverses entreprises eurent lieu de 1653 à 1688, et, dans ce quart de siècle, Louis XIV, malgré les grandes affaires qui l’occupèrent en Europe, trouva le temps et les moyens de réduire la régence d’Alger à subir et à respecter les traités qu’il lui imposa. Deux expéditions, en 1663 et en 1664, commandées par le duc de Beaufort, n’obtinrent que des résultats insignifiants ; la seconde fut même désastreuse. Mais, en 1665, l’intrépide amiral joignit la flotte algérienne à la hauteur de Tunis, et lui livra deux combats successifs où elle fut presque anéantie. Les actes de piraterie ne se renouvelèrent qu’en 1681 ; mais cette fois encore les Barbaresques payèrent cher leurs insultes ; l’année ne s’était point écoulée que Duquesne, et sous lui Tourville, détruisaient les flottes de Tunis et de Tripoli. Cependant Alger restait toujours debout ; on ne pouvait naviguer avec confiance tant que ce nid de pirates ne serait point détruit. N’ayant pas l’espoir de s’emparer de la ville, on résolut de lui infliger, du moins, un vigoureux châtiment. Duquesne, avec sa hardiesse ordinaire, proposait d’attaquer de vive force les forts de la marine, projet d’une exécution difficile et dangereuse. C’est alors qu’un pauvre gentilhomme de Gascogne, Renaud d’Éliçagarray, plus connu sous le nom de Petit Renaud, proposa un projet nouveau et audacieux : c’était de tenter le bombardement d’Alger avec des mortiers placés sur les vaisseaux. Cette idée, ingénieusement hardie, eut le sort de toutes les grandes inventions qui se présentent devant les corps dépositaires des traditions de la science : elle fut rejetée à l’unanimité par le conseil du roi. Renaud trouva un protecteur inespéré dans Louis XIV lui-même, qui ordonna des essais ; et ce fut ainsi que la marine se trouva dotée d’une nouvelle puissance de destruction. Le 15 août 1682, Duquesne, à la tête d’une flotte de onze vaisseaux de ligne, quinze galères, cinq galiotes à bombes et quelques autres petits bâtiments, était mouillé dans la rade d’Alger et opérait sa première tentative. Elle ne réussit point, parce que l’inexpérience amena quelques accidents. Mais le 30 août il la renouvela avec plus de précautions, et cent vingt bombes tombèrent dans la ville, où elles portèrent le ravage et la destruction. Le 8 septembre, le bombardement recommença ; malheureusement le temps étant devenu mauvais, Duquesne rentra à Toulon, laissant Alger à demi ruinée. Toutefois ce n’était que partie remise : le moyen de la soumettre était trouvé. Le 20 juin 1683, l’illustre marin reparaissait en vue de la ville et recommençait le bombardement quelques jours après. L’effet en fut terrible. Plusieurs milliers de personnes périrent, et le dey, désespérant de prolonger la lutte, demanda à traiter de la paix ; mais il fut assassiné dans cet intervalle. Son successeur, Mezzo-Morto, rouvrit les hostilités, et Duquesne fit entendre de nouveau ses redoutables mortiers. Les ravages croissant d’heure en heure dans Alger, le peuple furieux, exaspéré, se rua sur les chrétiens et procéda à d’horribles exécutions. Un prêtre français, le P. Levacher, fut attaché à la gueule d’une pièce dite la Consulaire, instrument de meurtre consacré par ce noble martyre, que la victoire devait faire tomber un jour entre nos mains. Au milieu de ces actes atroces, vient s’encadrer un trait de magnanime courage qui en efface pour un instant l’horreur. Un officier français, M. de Choiseul, pris deux jours auparavant dans une ronde de nuit, venait d’être attaché à la bouche d’un canon, lorsqu’un capitaine de corsaire, peu de temps auparavant son prisonnier, et qui avait été de sa part l’objet des procédés les plus généreux, traverse vivement la foule, le proclame son bienfaiteur et demande sa vie. Prompt à passer de la colère à la pitié, le peuple s’attendrit ; mais Mezzo-Morte demeure inflexible et commande le feu, Alors le corsaire, saisissant Choiseul et le tenant embrassé : « Eh bien, tire, crie-t-il au canonnier ; puisque je ne puis sauver mon bienfaiteur, j’aurai du moins la consolation de mourir avec lui ! » Les actions sublimes ont le noble privilége d’imposer l’admiration aux plus sauvages natures ; Mezzo-Morto fut ému, et M. de Choiseul échappa à la mort.

Le bombardement dura jusqu’au 18 août, en causant dans Alger d’immenses ravages. Le paroxysme de la terreur et du désespoir poussait la population à la révolte ; le dey, entouré de sa milice, faisait face à ce double péril, et il restait maître d’Alger en ruines, lorsque les bombes manquèrent à Duquesne. Il fallut donc repartir pour Toulon, mais il laissait Tourville établi en croisière devant la ville, et il fit avertir le dey qu’il ne tarderait pas à être de retour. Cette fois, les Algériens épouvantés ne l’attendirent pas ; ils chassèrent Mezzo-Morto et conclurent un traité de paix avec Tourville. En dépit de ce traité, ils recommencèrent bientôt leurs courses, car la piraterie était chez eux un besoin irrésistible. Alors Louis XIV, déterminé à en finir avec ces incorrigibles forbans, chargea le maréchal d’Estrées de leur infliger une leçon dont ils ne perdissent jamais le souvenir. Ce maréchal, après avoir bombardé Tunis et Tripoli, parut devant Alger vers la fin du mois de juin 1688, et, du 1er au 16 juillet, il y jeta dix mille bombes. Une si épouvantable exécution terrassa enfin l’orgueil d’Alger, qui envoya une ambassade solennelle jusqu’à Versailles, porter sa soumission à Louis XIV et lui demander la paix. À partir de cette époque, les corsaires barbaresques renoncèrent à exercer la piraterie contre la France, mais ils continuèrent leurs déprédations contre les autres puissances européennes.

Jusqu’à la conquête française, aucune expédition digne d’être mentionnée ne fut dirigée contre la capitale des États barbaresques. Il faut en excepter toutefois celle de lord Exmouth, qui, en 1816, ravagea Alger et contraignit le dey à rendre la liberté aux esclaves chrétiens. Mais l’heure de cette puissance redoutable allait enfin sonner. Les relations d’Alger avec la France avaient revêtu d’abord un caractère de froideur, puis d’amertume, à l’occasion d’une dette contractée de 1793 à 1798 pour le compte du gouvernement français, envers la maison de commerce algérienne Busnach et Bacri. Le payement de cette dette, arrêtée en 1801 au chiffre de sept millions, avait été toujours différé, et ce retard irritait d’autant plus le dernier dey, Hussein-Pacha, qu’il avait fourni lui-même, par l’intermédiaire de Busnach et Bacri, une partie des approvisionnements qui avaient été l’origine de la créance de ces juifs algériens sur le gouvernement français. En 1826, il écrivit aux ministres de Charles X, et, suivant une version, au roi lui-même. Les choses en étaient là, lorsque M. Deval, notre consul général, se présenta au printemps de 1827 à la Casbah, pour saluer le dey, comme c’était l’usage la veille des fêtes musulmanes. Il voulut profiter de cette visite pour élever quelques réclamations au sujet d’un navire des États du Saint-Siège, qui avait été capturé. Le dey s’emporta et dit au consul, pour lequel il ressentait d’ailleurs une véritable antipathie, qu’au lieu de lui adresser des observations sur une affaire qui ne le regardait pas, il ferait mieux de lui remettre la réponse à la lettre qu’il avait adressée au roi ; il lui demanda avec colère s’il recevrait enfin son argent, en menaçant le consul, dans le cas contraire, de l’envoyer en prison. M. Deval répliqua vivement, et menaça à son tour le dey de l’indignation de son gouvernement. Alors Hussein-Pacha, transporté de colère, frappa le consul français au visage avec le chasse-mouches formé de plumes de paon qu’il portait à la main, selon l’usage du pays. Le consul s’écria aussitôt : « Ce n’est pas à moi, c’est au roi de France que l’insulte a été faite. » D’après les relations officielles, le dey répondit « qu’il ne craignait pas plus le roi de France que son représentant, » et il ordonna à M. Deval de sortir à l’instant.

Cette insulte eut en France un immense retentissement. Les satisfactions demandées furent refusées par le dey, et les amis intelligents du pouvoir d’alors le pressèrent d’en